Au lendemain de la conclusion d’un fragile accord sur les migrants entre les vingt-huit dirigeants des pays de l’Union européenne (UE), la situation restait confuse en Europe samedi 30 juin.

Après des semaines de tension, les dirigeants de l’UE sont parvenus vendredi à un compromis qui propose la création de « plateformes de débarquements » de migrants en dehors du sol européen pour dissuader les traversées de la Méditerranée.

  • SOS Méditerranée dénonce « la faillite des Etats européens »

SOS Méditerranée donnait samedi 30 juin une conférence de presse au théâtre de La Criée à Marseille. / BERTRAND LANGLOIS / AFP

SOS Méditerranée, ONG dédiée au secours des migrants en mer, a annoncé samedi que son bateau, l’Aquarius, allait prolonger son escale à Marseille, « le temps de comprendre ce qui se passe ».

« Les ONG sont devenues le bouc émissaire un peu facile de la faillite des Etats européens à faire respecter les conventions maritimes », a accusé Frédéric Penard, directeur des opérations de SOS Méditerranée. Le représentant de l’ONG a notamment dénoncé « la légitimation de Tripoli comme centre officiel de coordination des sauvetages » :

« Ce soutien inconditionnel aux garde-côtes libyens nous semble incompatible avec le sauvetage en mer, car en aucun cas les ports libyens ne peuvent être considérés comme des ports sûrs »

Après le sommet européen de Bruxelles conclu vendredi aux aurores à Bruxelles, « c’est la confusion la plus totale », a insisté Sophie Beau, la directrice de l’ONG : « Nous attendions des annonces sur un modèle européen de sauvetage en mer, or ces annonces sont on ne peut plus floues », a-t-elle poursuivi.

En 28 mois d’activité, SOS Méditerranée a secouru 29 319 migrants, « dont six bébés nés à bord », a précisé Mme Beau. Soit un dixième à peine des 290 000 personnes secourues par les autres navires dans la zone sur la même période, selon Frédéric Penard.

  • Une ONG espagnole sauve 59 migrants, l’Italie leur refuse l’accès

Dans le même temps, une ONG espagnole, Proactiva Open Arms, a annoncé samedi avoir secouru en Mediterranée 59 migrants en provenance de Libye. Le ministre italien de l’intérieur, Matteo Salvini, a aussitôt prévenu qu’ils était hors de question qu’ils accostent dans un port italien.

L’Organisation non gouvernementale a expliqué sur Twitter que son navire se dirigeait vers « un port sûr », mais il était impossible de savoir où le bateau jetterait l’ancre. « Malgré les obstacles, nous continuons à protéger la vie de gens invisibles. Leurs récits sur ce qu’ils ont vécu en Libye sont terrifiants », a souligné l’organisation.

M. Salvini a quant à lui affirmé sur Facebook que le bateau de Proactiva Open Arms avait atteint l’embarcation des migrants avant les gardes-côtes libyens à l’intérieur de la zone de secours libyenne. « Le port le plus proche est Malte, l’organisation et le pavillon sont espagnols : ils peuvent oublier l’idée de rejoindre un port italien », a-t-il déclaré.

La veille, le ministre italien d’extrême droite avait prévenu que les ports italiens seraient fermés « tout l’été » aux ONG qui secourent les migrants en Méditerranée.

De son côté, le ministre maltais de l’intérieur, Michael Farrugia, a contesté la version des faits exposée par M. Salvini, affirmant que les migrants avaient été secourus dans une zone située entre la Libye et le port italien de Lampedusa.

Cette semaine, le navire de l’ONG allemande Lifeline a accosté à Malte avec à son bord 233 migrants après une odyssée d’une semaine marquée par de fortes tensions.

  • Merkel fait des propositions pour un nouveau tour de vis en Allemagne

En Allemagne, la chancelière Angela Merkel a de son côté proposé à ses partenaires de coalition une batterie de mesures pour renforcer le contrôle des flux migratoires, selon un document qu’elle leur a adressé samedi à la veille de réunions cruciales pour la survie de son gouvernement.

Très affaiblie par une fronde de son aile droite bavaroise, la dirigeante conservatrice souhaite notamment que les migrants arrivant en Allemagne mais déjà enregistrés dans un autre pays de l’Union européenne soient placés dans des centres d’accueil spéciaux et aux conditions très restrictives. « Dans ces centres d’accueil spéciaux, il y aura une obligation de résidence (...) comportant si nécessaire des sanctions », décrit le document. Le but apparaît de statuer aussi rapidement que possible sur les dossiers.

Plus généralement, Angela Merkel insiste sur le fait que « nous voulons continuer à réduire le nombre de migrants arrivant en Allemagne » bien que « leur nombre ait baissé de 20 % sur les cinq premiers mois de 2018 par rapport à la même période de 2017 ».

Cette proposition concernant les centres d’accueil spéciaux apparaît comme une main tendue aux conservateurs bavarois, en particulier à son ministre de l’intérieur Horst Seehofer qui lui a lancé un ultimatum pour trouver une solution européenne aux flux migratoires faute de quoi il ordonnera le refoulement aux frontières des migrants déjà enregistrés dans un autre pays européen.

Angela Merkel a toujours refusé toute mesure unilatérale et a négocié d’arrache-pied à Bruxelles des avancées au niveau européen pour réduire la pression migratoire et contenter son turbulent allié.