TV – « Angels in America », chef-d’œuvre flamboyant
TV – « Angels in America », chef-d’œuvre flamboyant
Par Renaud Machart
Notre choix du soir. L’adaptation par Mike Nichols de la pièce de Tony Kushner, sur les années sida sous l’ère Reagan, n’a pas pris une ride, quinze ans après sa sortie (sur OCS à la demande).
Angels In America [ Official HBO Trailer ]
OCS a eu la formidable idée de mettre à la disposition de ses abonnés Angels in America (2003), de Mike Nichols, d’après la pièce de théâtre fleuve en deux parties du dramaturge américain Tony Kushner : la première, Le millénaire approche, fut créée en 1991, la seconde, Perestroïka, en 1993.
Depuis, cette pièce récompensée du prix Pulitzer a fait le tour du monde. Et a été également l’objet d’une adaptation lyrique par le compositeur hongrois Peter Eötvös, créée, en 2004, au Théâtre du Châtelet, à Paris.
De cette « fantaisie gay sur des thèmes nationaux », dont l’action se situe en 1986, au moment des premiers ravages du sida, sous la présidence (sourde à ces derniers) de Ronald Reagan, le cinéaste a tiré une adaptation télévisée en six « chapitres ». Le tout dure à peu près autant que les sept heures de la pièce.
Mike Nichols (1931-2014) était non seulement un habitué du théâtre en tant que metteur en scène et producteur, mais aussi de la transposition de certaines pièces au grand écran. Son premier film n’est rien moins que Qui a peur de Virginia Woolf ? (1966), d’après Edward Albee, avec Elizabeth Taylor et Richard Burton.
La pièce Angels in America déborde le cadre de la scène en faisant, littéralement, exploser ses limites physiques (un ange, de sexe féminin, traverse, en le brisant, le plafond de la chambre d’un malade du sida en qui il reconnaît un prophète) et temporelles (avec l’évocation d’Ethel Rosenberg, dont le fantôme vient hanter l’avocat Roy Cohn sur son lit d’hôpital).
Emma Thompson dans « Angels in America ». / OCS
Celui-ci était le jeune collaborateur de sinistre mémoire de Joseph McCarthy, et le procureur sans merci du procès des époux Rosenberg, condamnés à mort, en 1951, pour espionnage au profit des Soviétiques et trahison. Avant d’être radié du barreau, l’homme sera aussi l’avocat de représentants de la Mafia new-yorkaise et celui des Trump père et fils.
Homophobe déclaré, Cohn cachera autant qu’il le put ses relations homosexuelles et tentera de faire passer le sida, dont il périt en 1986, à 59 ans, pour un cancer du foie. Angels in America évoque ses intrigues pour obtenir le rare AZT, qui passait alors pour le médicament expérimental miracle.
Al Pacino incarne un Cohn plus vrai que nature. Son jeu très Actors Studio s’accorde pleinement au ton flamboyant de la réalisation, qui a su préserver le registre de drame sociopolitique onirique à l’humour très noir de la pièce.
Génie caméléonesque
Meryl Streep, sosie parfait d’Ethel Rosenberg, joue d’autres rôles où son génie caméléonesque la fait incarner tantôt la mère mormone d’un jeune et séduisant collaborateur de Cohn, tantôt un vieux rabbin. Emma Thompson, ange inséminateur et rugissant, se mue à l’occasion en un inquiétant clochard…
Le reste de la distribution est composé de jeunes acteurs promis à un bel avenir : Marie-Louise Parker, Patrick Wilson, Justin Kirk. Jeffrey Wright, révélé, en 1996, par le film Basquiat, de Julian Schnabel, et connu pour sa récente incarnation de Bernard, dans la série Westworld, avait interprété sur scène le rôle de Belize. Il le reprend de manière extraordinaire dans la minisérie.
Angels in America, créée par Mike Nichols. Avec Al Pacino, Meryl Streep, Emma Thompson, Patrick Wilson, Mary-Louise Parker, Justin Kirk, Jeffrey Wright, (EU, 2003, 6 × 48-73 min).