L’attaquant français Kylian Mbappé célèbre son but lors du huitième de finale entre la France et l’Argentine, à Kazan, en Russie, le 30 juin. / FRANCK FIFE / AFP

Ici se dresse toujours, comme au premier jour, le palais de la République du Tatarstan. Juste à côté, la somptueuse mosquée aussi, l’une des plus grandes d’Europe. Mais, en neuf jours à peine, quelque chose a changé dans le ciel de Kazan et de la Coupe du monde de football.

Comment expliquer le contraste entre cette équipe de France qui a éliminé l’Argentine avec conviction (4-3) en huitièmes de finale, samedi 30 juin, et celle, autrement plus laborieuse, qui battait difficilement le Pérou en cette même ville, lors de son deuxième match de poule, le 21 juin ?

Autant, au premier tour, les Bleus ahanaient contre l’Australie (2-1), le Pérou (1-0), donc, et le Danemark (0-0) ; autant ils ont soudain retrouvé de l’allant, comme une envie de jouer au football, à la vue de l’Argentine et de son quintuple ballon d’or, Lionel Messi.

« Plus on avance dans la compétition, plus le niveau monte et moins on a de marge, on se doit de jouer à notre meilleur niveau », estime Hugo Lloris, gardien et capitaine heureux. De bon augure, si l’on s’en tient à ce raisonnement, avant le quart de finale du 6 juillet : à Nijni Novgorod, les Français affronteront alors les Uruguayens, vainqueurs du Portugal.

« Tu joues contre une équipe qui joue »

Sac au dos, Paul Pogba savoure déjà l’adrénaline de ces matchs à élimination directe. Pas la même tension, pas le même enjeu, ni les mêmes adversaires : « En poule, on a joué contre des équipes qui nous attendaient, qui défendaient, rappelle le milieu de terrain. Là [contre l’Argentine], tu joues contre une équipe qui joue. » Sous-entendu : qui permet aussi aux Bleus d’en faire de même.

Par la nature de leur jeu, par leur possession du ballon, les Argentins ont prêté le flanc aux contre-attaques. Même lorsqu’ils menaient 2-1, peu après la pause, grâce une frappe merveilleuse d’Angel Di Maria, « ils ont laissé beaucoup d’espaces », reconnaît un Antoine Griezmann encore en rodage. D’où ce paradoxe : l’avant-centre estime « plus facile » de jouer face à une telle équipe que face aux monolithes, pourtant moins cotés, de l’Australie, du Pérou et du Danemark.

La victoire a un autre mérite : elle conforte le groupe tricolore dans son credo collectif, malgré les critiques des derniers matchs. « On avait mis un plan en place, on l’a respecté. On a réussi à faire ce qu’on voulait », se félicite Florian Thauvin, entré en cours de route, sans plus de détails. Enthousiaste, le Marseillais parle d’« une victoire qui restera dans nos têtes, au-delà de la qualification », de celles qui se fêtent dans le vestiaire : « On a tous chanté, dansé. Quelque chose de beau, de fort. Aujourd’hui, l’équipe de France a répondu présent. »

Sans jouer les tristes sires, quelques ajouts s’imposent. « Il faut toujours rester lucide sur l’analyse du match, on doit aussi s’appuyer sur les points négatifs pour s’améliorer », convient le gardien Hugo Lloris, très bien placé pour savoir que, si la France a marqué quatre buts, elle en a aussi encaissé trois. Trois en à peine plus d’occasions, dont un dans le temps additionnel, c’est beaucoup. Surtout face à un adversaire fatigué et vieillissant qui avait déjà failli quitter le Mondial dès le premier tour, quatre ans après sa finale.

« Un peu de patience »

Leo Messi compris, les Argentins ont eu le ballon sans réellement l’apprivoiser, restant trop souvent cantonnés dans leur partie de terrain. Voire dans le rond central, après l’ultime coup de sifflet, sans doute réfractaires à l’idée de quitter déjà le Mondial et leurs supporteurs, autrement plus nombreux, plus puissants que le petit contingent français en tribunes.

Parce qu’il veut y voir avant tout « un match fédérateur », et parce qu’une élimination française l’aurait exposé en première ligne, Didier Deschamps a eu le sourire en conférence de presse. Le sélectionneur apprécie évidemment la progression de ses jeunes internationaux, encore novices, pour beaucoup, en Coupe du monde : « Il faut un peu de patience, même si au haut niveau il n’y a pas de patience… ».

On l’a déjà dit et redit, le talent de Kylian Mbappé a 19 ans à peine. C’est bien assez pour avoir marqué un doublé et provoqué en début de match le penalty du 1-0, inscrit par Antoine Griezmann. S’il avait déçu jusque-là, l’avant-centre du Paris-Saint-Germain a cette fois fait parler sa pointe de vitesse, transformant les défenseurs adverses en piquets de ski. Même aisance souriante, après le match, lorsqu’il s’est agi de passer sans s’arrêter devant les journalistes.

Benjamin Pavard aussi a marqué les esprits... et un but. Celui de l’égalisation, et pas le moins joli pour ce défenseur aux bouclettes encore inconnues du grand public il y a un an : une superbe reprise de volée sur un centre d’un autre défenseur latéral, Lucas Hernandez. « On n’a pas tout bien fait, concède Deschamps, mais il y a de la folie dans cette équipe, et on en a besoin. » Une histoire de fougue qui lui donne pour l’instant raison.