Christopher Froome blanchi par l’autorité mondiale du cyclisme
Christopher Froome blanchi par l’autorité mondiale du cyclisme
Par Clément Guillou
L’UCI a « décidé de clore la procédure » contre le cycliste britannique, qui avait subi un contrôle antidopage anormal en septembre 2017. Sauf rebondissement, il sera au départ du Tour, samedi.
Christopher Froome en juillet 2013. / Laurent Rebours / AP
Christopher Froome n’inscrira pas son nom en bas de la longue liste des vainqueurs du Tour de France suspendus pour dopage : il a été blanchi par le Tribunal antidopage indépendant de l’Union cycliste internationale (UCI), dix mois après un contrôle anormal au salbutamol. L’UCI en a fait l’annonce dans un communiqué publié lundi 2 juillet.
Plus rien n’empêche désormais le Britannique de courir le Tour de France, alors que les organisateurs avaient interdit au quadruple vainqueur de se présenter au départ de Noirmoutier le 7 juillet, dans l’éventualité où son cas n’était pas réglé.
« Le 28 juin 2018, l’AMA a informé l’UCI qu’elle acceptait, sur la base de son analyse des faits spécifiques de l’affaire, que les résultats de l’échantillon de M. Froome ne constituent pas un RAA [Résultat d’analyse anormal] », écrit l’UCI pour expliquer cette décision.
C’est lors du tour d’Espagne 2017 que l’échantillon urinaire du 7 septembre 2017 avait fait apparaître du salbutamol, un broncho-dilatateur, à proportion de 2 000 nanogrammes par millilitre, soit le double de la limite autorisée. Un taux très rarement atteint dans les cas de contrôle positif au salbutamol.
Froome avait expliqué prendre de la Ventoline - dont le salbutamol est le principe actif - pour calmer son asthme d’effort, maladie fréquente chez les cyclistes. Il contestait avoir dépassé la dose maximale tolérée par le code mondial antidopage.
C’est une issue relativement inattendue pour une affaire hors-norme, à la fois pour les enjeux et la longueur de la procédure. Il s’est écoulé dix mois entre le contrôle et sa résolution, en raison notamment des nombreuses requêtes faites par les défenseurs de Christopher Froome au service antidopage de l’UCI (Fondation antidopage du cyclisme). La révélation de ce contrôle en décembre dernier par Le Monde et le quotidien britannique The Guardian a rendu l’attente plus insupportable encore, coureurs et organisateurs d’épreuves déplorant la mauvaise publicité faite une fois de plus à leur sport.
Dans l’attente de son jugement, Christopher Froome avait continué de courir : en raison de la substance incriminée, il en avait le droit. Il était entré dans l’histoire du cyclisme en remportant sur le Giro un troisième Grand tour d’affilée.
Une procédure d’une lenteur sans précédent
Si son honneur est pour l’instant lavé - en cas d’appel le Tribunal arbitral du sport (TAS) pourrait inverser cette décision -, le crédit de Christopher Froome et de l’équipe Sky a été largement entamé ces six derniers mois. L’obsession du Britannique à courir malgré les soupçons pesant sur lui a été considérée comme une trahison par de nombreux coureurs, dont certains l’ont dit ouvertement. Beaucoup de dirigeants d’équipes ont fait observer que Froome aurait dû être mis au repos de force si la Sky avait fait partie du Mouvement pour un cyclisme crédible (MPCC), association regroupant sept des 18 équipes du World Tour et qui impose de mettre de côté un coureur qui fait l’objet d’une procédure antidopage.
Cette décision est une victoire majeure pour l’avocat britannique Mike Morgan, l’un des plus grands experts dans la défense d’athlètes confrontés à des affaires de dopage. A la tête d’une équipe qui a eu recours à des scientifiques spécialistes de la substance, il a réussi à convaincre le tribunal antidopage de l’UCI, présidé en l’espèce par l’Allemand Ullrich Haas, que Froome n’avait commis ni faute, ni négligence.
Après que les services juridiques de l’UCI, assistés par les experts de la CADF, ont écarté une à une toutes les explications proposées par la défense de Froome à ce dépassement du seuil, Mike Morgan a changé de stratégie : il a voulu remettre en cause le test au salbutamol et la limite fixée à 1 000 ng/ml. C’est-à-dire s’opposer frontalement au code mondial antidopage et aux laboratoires, pour convaincre les experts qu’il n’y avait pas eu de prise orale du salbutamol – dans ce cas, la molécule a des effets anabolisants et est strictement interdite. Un succès, donc, alors que l’AMA était venue au soutien de l’UCI pour défendre son cas.
La lenteur de la procédure devrait toutefois laisser des traces dans le règlement antidopage : beaucoup, dans le monde sportif, ont déploré qu’une affaire puisse courir aussi longtemps sans que le sportif soit provisoirement suspendu. Même le président de l’UCI, le Français David Lappartient, a demandé - sans succès - à Froome de faire preuve de responsabilité en ne se présentant plus au départ des courses le temps de la procédure.
Avec cette décision, le Team Sky évite de devoir faire un choix cornélien : selon le code interne de l’équipe, elle aurait dû licencier son coureur en cas de suspension, ne serait-ce que trois mois. Froome peut désormais se tourner tout entier vers la conquête d’un cinquième Tour de France. Il rejoindrait ainsi Jacques Anquetil, Eddy Merckx, Bernard Hinault et Miguel Indurain au palmarès.