Les futurs retraités s’inquiètent davantage pour leurs finances que pour leur santé
Les futurs retraités s’inquiètent davantage pour leurs finances que pour leur santé
Par Aurélie Blondel
Les plus de 50 ans redoutent de ne pas réussir à boucler les fins de mois une fois à la retraite, souligne une étude.
Les deux-tiers des plus de 50 ans déclarent épargner en prévision de leur retraite. / ODILON DIMIER/PHOTOALTO/GRAPHICOBSESSION
Quand ils pensent à leur retraite, 62 % des séniors encore actifs sont inquiets. Ce qu’ils craignent en premier lieu ? Rencontrer des problèmes d’argent. C’est ce qui ressort d’une étude Audencia-Humanis sur la vulnérabilité financière face à la retraite, publiée mi-juin.
A la question « De quoi avez-vous peur ? », 73 % des plus de 50 ans non retraités répondent d’abord « d’avoir des difficultés financières ». « Rencontrer des problèmes de santé » est l’autre raison la plus fréquemment citée en premier, mais par seulement 11 % des sondés, devant « être dépendant » (5 %) et « ne plus être utile socialement » (3 %).
Poursuite d’activité envisagée
Parmi les séniors anticipant des soucis financiers, près d’un sur deux affirme avoir des difficultés à évaluer le montant de sa future retraite. Un sur cinq dit devoir aider financièrement sa famille (parents, enfants, etc.).
Ces plus de 50 ans ont-ils commencé à préparer leur retraite ? Seuls 66 % déclarent épargner à cet effet : 33 % chaque mois et 33 % de façon irrégulière. Pour disposer d’un niveau de vie suffisant à l’avenir, en sus des pensions versées par les régimes, 29 % envisagent en premier lieu de poursuivre une activité rémunérée, 28 % comptent avant tout sur leur épargne, 17 % citent d’abord l’acquisition d’un bien immobilier (pour y vivre ou le louer).
« Certains biais cognitifs peuvent expliquer cette difficulté à épargner tôt », souligne Mickaël Mangot, spécialiste de l’économie comportementale. « Un mécanisme psychologique connu intervient notamment, la préférence pour le présent, qui fait privilégier les plaisirs immédiats au détriment des objectifs lointains. »
Comment contrer ce biais ? En s’auto-contraignant, répond M. Mangot. « Comme l’ont montré les travaux du dernier Nobel d’économie, Richard Thaler, mettre en place des versements automatiques mensuels sur un compte ou limiter la liquidité de son capital sont de bonnes options - l’épargnant se lie les mains pour le futur, afin de se protéger de sa préférence permanente pour le présent. »
Un autre mécanisme entre en jeu, poursuit-il : « la sous-estimation du pouvoir des intérêts composés ». Les intérêts engrangés chaque année sur les placements s’ajoutent au capital initial et produisent à leur tour des intérêts - un effet boule de neige. Dans cette optique, la durée d’investissement est clé. « Les épargnants ne se rendent généralement pas compte que placer 100 euros par mois de 35 à 65 ans génère un capital bien supérieur à 200 euros par mois de 50 à 65 ans », déplore l’économiste. « Attendre pour épargner est souvent un mauvais calcul. »
Parmi les séniors déjà retraités, 66 % estiment d’ailleurs qu’ils auraient dû se préparer autrement, indique l’étude Audencia-Humanis. Ils sont ainsi 33% à regretter de ne pas avoir commencé à épargner plus tôt, 12 % à expliquer ne pas avoir anticipé les coûts liés à la santé, et 13 % à penser qu’ils auraient dû soit se renseigner auprès d’un professionnel de la finance, soit suivre un stage de préparation à la retraite.
« Parmi les retraités que nous avons interrogés, ceux qui ont participé à un stage d’un ou deux jours sont en général très satisfaits, même s’ils estiment souvent qu’il était trop court », note Nils Poussielgues, responsable du programme « Comportements et vulnérabilité financière » d’Audencia Business School.
Proposés par certaines grandes entreprises (et dans la Fonction publique), ces stages abordent les questions financières, psychologiques, administratives. « Outre ce qu’ils ont appris durant ces journées, ils ont le sentiment d’avoir été mieux considérés par leur employeur, c’est important pour l’image qu’ils ont d’eux-mêmes et du passage à la retraite. »
Et préparer sa retraite, ce n’est pas seulement épargner, ajoute de son côté Frédéric Roullier, directeur retraite au sein du groupe de protection sociale Humanis. « Peu d’actifs ont conscience de l’impact sur leurs pensions des décisions professionnelles et personnelles prises au fil de leur vie, même jeunes », regrette-t-il.
Passer à temps partiel, s’expatrier, faire une pause, plus ou moins longue, devenir auto-entrepreneur, choisir un statut de dirigeant d’entreprise permettant de payer moins de charges, etc. : autant de décisions qui influeront sur ce que vous percevrez à la retraite. « Ce qui prime, c’est d’en être conscient et de prendre ses décisions en toute connaissance de cause », insiste M. Roullier. « Dommage que parmi les plus jeunes, beaucoup préfèrent éluder le sujet en se disant, à tort, que de toutes façons ils n’auront pas de retraite », conclut-il.
Enfin, une bonne nouvelle : le niveau de vie des retraités dépasse celui de l’ensemble de la population d’environ 6 %. Le ratio est toutefois amené à se dégrader progressivement dans les décennies à venir, rappelle le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR), publié le 14 juin. Selon les projections, le niveau de vie des retraités (calculé en divisant le revenu disponible d’un ménage, prestations sociales et revenus du patrimoine compris, par le nombre d’unités de consommation du foyer) devrait être en 2040 de 5 % à 11 % inférieur à celui de la population.