Les surveillants de la prison de Réau assurent avoir prévenu des risques d’évasion de Redoine Faïd
Les surveillants de la prison de Réau assurent avoir prévenu des risques d’évasion de Redoine Faïd
Par Cécile Bouanchaud
La prison de haute sécurité, pointée du doigt par le passé pour le laxisme de son personnel, se défend et accuse l’administration centrale de négligence.
La prison de haute sécurité de Réau, en Seine-et-Marne, ouverte en 2011, / THOMAS SAMSON / AFP
Alors que mardi 3 juillet au matin, Redoine Faïd était toujours en fuite, dans le huis clos de la prison de Réau (Seine-et-Marne), son évasion, certes hors norme, laisse un goût amer aux surveillants pénitentiaires, « tous choqués, mais pas surpris », fait savoir Régis Grava, secrétaire général UFAP-UNSA en Ile-de-France. Le centre pénitentiaire sud francilien (CPSF), qui accueille notamment des détenus lourdement condamnés, avait « fait remonter à l’administration centrale les risques d’une évasion imminente concernant Redoine Faïd », rapporte le syndicaliste, qui regrette de « ne pas avoir été pris au sérieux ».
M. Grava, qui a eu accès à des extraits de courriels échangés sur ce sujet entre la Direction interrégionale d’Ile-de-France et la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP), et dont une partie a été diffusée par plusieurs médias, évoque aussi « un dossier d’une vingtaine de pages, constitué depuis plusieurs mois, dans lequel les agents de la prison donnent l’alerte sur le changement de comportement de Redoine Faïd, son attitude après son procès en février, ses visites suspectes… »
Alors que la ministre de la justice, Nicole Belloubet, a suggéré une éventuelle « défaillance » à la prison de Réau, une mission d’inspection a débuté lundi dans l’établissement, l’un des plus sécurisés de France, inauguré en 2011 par Nicolas Sarkozy. « Cette enquête administrative, qui sera rendue dans le mois qui vient, permettra d’apporter un éclairage sur ce point », rapporte au Monde une source au sein de la DAP.
Le syndicaliste tient d’ores et déjà à faire sa mise au point : « Nous avons fait notre partie, en observant correctement le détenu, et en réclamant son transfert. » Faisant l’objet de transfert régulier pour prévenir les risques d’évasion, Redoine Faïd, qui s’était déjà échappé il y a cinq ans d’une prison du nord de la France, avait intégré en avril le quartier d’isolement de la prison de Réau, après y avoir déjà séjourné entre novembre et février. Condamné à une peine de vingt-cinq ans de prison pour un braquage qui avait entraîné la mort en 2010 de la jeune policière Aurélie Fouquet, le braqueur multirécidiviste était palpé puis escorté par un gradé et deux agents, lorsqu’il sortait de sa cellule, pour les promenades et les parloirs.
Manque d’effectifs
« Comme tous les grands braqueurs », Redoine Faïd était « très rusé », se montrant « cordial », voire « séducteur » avec les personnels pénitentiaires, font savoir plusieurs surveillants. A la lumière de l’évasion survenue dimanche, le secrétaire général UFAP-UNSA voit dans ce comportement affable une stratégie pour « obtenir des informations » et « évaluer la moindre faille », afin d’organiser au mieux son exfiltration. Une attitude qui n’avait pas échappé aux personnels, qui ont donc alerté l’administration centrale, évoquant dans le même temps la présence de drones autour du site, sans pouvoir empêcher les faits.
La suite, extrêmement bien préparée, est désormais connue de tous : dimanche matin, un hélicoptère, dont le pilote avait été pris en otage, s’est posé avec un « commando armé » de trois complices dans la cour d’honneur de la prison de Réau, auquel les détenus n’ont pas accès. L’opération, qui a duré dix minutes, a permis d’extraire Redoine Faïd, faisant du quadragénaire le premier détenu à s’évader de cette prison.
Une évasion éclair qui pose la question de la sécurisation de la cour d’honneur, le seul lieu de la prison à ne pas être équipé d’un filet antiaérien, et à être invisible depuis les miradors, où les agents sont les seuls à être armés mais ne sont pas autorisés à tirer sur un hélicoptère. Encore une fois, les syndicats de l’établissement assurent avoir alerté la direction sur cette défaillance, regrettant que leurs remarques n’aient pas été prises en « considération ». « Il n’y avait pas de raisons pour qu’il y ait des filins sur ce lieu-là », a rétorqué Nicole Belloubet, lundi, pour mettre fin à la polémique.
En mars 2013, cet établissement présenté comme l’un des plus sûrs du pays avait été la scène d’une tentative d’évasion de Smaïn Ait Ali Belkacem, l’artificier des attentats de 1995 dans le RER C à Paris, qui s’était retrouvé piégé dans la cour, prouvant, cette fois, l’efficacité du système de sécurité. Le rapport commandé à l’époque par la DAP avait mis au jour des dysfonctionnements, principalement liés au laxisme de l’encadrement dans la section dédiée aux détenus les plus dangereux.
Aujourd’hui, M. Grava assure que « les préconisations consécutives à ce rapport ont été respectées ». Il réclame un suivi « plus serré » des détenus, qui, selon lui, ne peut se faire dans de grandes structures comme celle de Réau, qui compte plus de 600 prisonniers pour près de 250 surveillants, « alors qu’il en faudrait au moins 290 ». Martial Delabroye, secrétaire FO du centre pénitentiaire de Réau, déplore, lui aussi, un « manque d’effectifs au sein de l’établissement », regrettant notamment « les suppressions de postes au sein des brigades chargées de surveiller les parloirs ». Il rappelle que le personnel s’était fortement mobilisé, en janvier, lors d’un mouvement national de gardiens de prison. Là encore, les revendications étaient restées lettre morte.