Si le plan énergétique présente par le gouvernement japonais ne mentionne pas directement la construction de nouvelles centrales, plusieurs experts estiment que cela sera indispensable. / JIJI PRESS / AFP

A la « une » des journaux japonais, la spectaculaire défaite dans le mondial de football de l’équipe nationale contre la Belgique, lundi 2 juillet, à Rostov-sur-le-Don, en Russie, a quelque peu masqué la nouvelle, mais elle n’en représente pas moins un virage important : sept ans après la catastrophe de Fukushima, le Japon s’apprête à reprendre vigoureusement le chemin du nucléaire.

Mardi, le gouvernement de Shinzo Abe a approuvé un plan énergétique visant à atteindre une proportion de 20 % à 22 % dans d’électricité d’origine nucléaire à l’horizon 2030. Elle était d’environ 30 % avant Fukushima, et de 2 % à fin 2017. Sur les cinquante-quatre réacteurs du pays, seuls neuf produisent actuellement de l’électricité.

Dans le même cadre, le pays s’engage à augmenter significativement le poids des énergies renouvelables, qui devront atteindre 22 % à 24 % du mix électrique dans la même temporalité – contre 15 % aujourd’hui. Le charbon, le pétrole et le gaz resteront toutefois majoritaires dans la production d’électricité, à 56 %.

Mauvais élèves des pays développés

Depuis Fukushima et la mise à l’arrêt du parc nucléaire japonais, le pays avait fait exploser ses émissions de gaz à effet de serre, en produisant massivement son électricité à partir de charbon et de gaz. Le Japon est ainsi le premier importateur mondial de gaz naturel liquéfié (GNL), notamment depuis le Qatar.

Alors qu’au moment des accords de Kyoto, en 1990, le Japon était en pointe dans la lutte contre le réchauffement climatique, il est aujourd’hui l’un des plus mauvais élèves parmi les pays développés.

Dans ce nouveau plan, le pays s’engage à réduire de 80 % ses émissions de gaz à effet de serre entre 2013 et 2050, ce qui nécessite des efforts massifs. Et le gouvernement considère que le nucléaire, qui n’émet pas de CO2, est « une ressource indispensable » aux côtés des énergies renouvelables.

Ce plan est un virage important par rapport à la politique mise en œuvre ces dernières années dans le pays. Le précédent gouvernement avait pris l’engagement de mettre à l’arrêt l’ensemble des centrales du pays d’ici à 2039. Mais le premier ministre, Shinzo Abe, partisan de longue date de l’énergie nucléaire, avait affiché sa volonté de remettre sur pied la filière japonaise.

Casus belli pour les antinucléaires

Le sujet reste très controversé dans le pays, y compris au sein du parti au pouvoir. La sortie du nucléaire est défendue par plusieurs anciens premiers ministres, Junichiro Koizumi – mentor de Shinzo Abe, l’actuel premier ministre –, Morihiro Hosokawa ou encore Naoto Kan, qui dirigeait le gouvernement au moment de la catastrophe.

Si le plan énergétique ne mentionne pas directement la construction de nouvelles centrales, plusieurs experts estiment que cela sera indispensable pour atteindre l’objectif des 20 % à 22 % en 2030. Il faudra non seulement relancer plus de réacteurs qu’actuellement, mais également en construire de nouveaux. Plusieurs des centrales actuelles auront atteint leur limite d’âge avant cette date.

Pour autant, le redémarrage des centrales s’annonce complexe. Depuis Fukushima, l’autorité de sûreté a considérablement durci les règles. Ce qui a conduit à la mise en œuvre de travaux importants – et coûteux. Sans compter la très forte réticence des habitants et des élus locaux lors des redémarrages de réacteurs.

Les conséquences toujours en cours de Fukushima

Malgré ces difficultés, la filière nucléaire japonaise entend saisir l’opportunité. Tomoaki Kobayakawa, le patron de Tokyo Electric Power Company (Tepco), géant nucléaire de l’île, très décrié pour sa gestion de la crise de Fukushima, a annoncé mardi « lancer l’étude géologique pour la construction d’une nouvelle unité à Higashidori », dans le nord de l’archipel. Ce projet était déjà à l’étude avant la catastrophe de Fukushima, mais avait été interrompu en 2011.

Cette annonce est un casus belli pour les antinucléaires japonais, qui estiment que relancer une nouvelle centrale, alors que les conséquences de l’accident de Fukushima sont toujours en cours, est une grave erreur.

Cette catastrophe, conséquence d’un tsunami, avait provoqué la fusion du cœur du réacteur de la centrale et forcé des dizaines de milliers de personnes à quitter leur domicile et rendu inhabitable une partie de la région.

Dans un éditorial très dur, en mai, le grand quotidien japonais Asahi Shimbun avait condamné la volonté du gouvernement de prendre cette direction. « L’administration Abe devrait faire face à la dure réalité concernant le nucléaire, notamment le fait que la majorité des Japonais est opposée au redémarrage des réacteurs », estimait le quotidien, qui pressait le gouvernement « d’abandonner totalement ses efforts pour maintenir la dépendance du Japon au nucléaire ».