L’artiste Jean-Marc Bustamante lors de la Biennale de Venise en juin 2003. / GABRIEL BOUYS/AFP

Jean Marc Bustamante a-t-il jeté l’éponge ? Rien n’est officiel, mais le mail que ce plasticien a envoyé, mardi 3 juillet au soir, à certains acteurs du ministère de la culture et de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris, qu’il dirige, est sans équivoque. Intitulé « Au revoir », il se conclut ainsi : « L’artiste reprend le dessus. Je vous souhaite de (…) vous revoir ailleurs. Et vive l’art que nous faisons et non la culture qui nous ait [sic] faite ». Reçu par le cabinet de Françoise Nyssen hier matin, celui qui avait concentré tous ses efforts pour que l’institution gagne le label de « musée de France » n’aurait apparemment pas reçu le soutien qu’il escomptait suite à son enfarinage opéré, jeudi 28 juin, par quelques étudiants.

Ces derniers lui reprochaient son indifférence à l’égard des affaires de harcèlement sexuel et moral, mais aussi de racisme, qui avaient secoué l’école toute l’année. Le ministère n’avait pas réagi officiellement après cette soirée mouvementée, à laquelle assistaient certains de ses membres. Mais suite à cette agitation, il a manifestement lâché l’artiste en rase campagne. « J’allais chercher du réconfort au ministère, toujours un peu traumatisé par cette violence qui m’a frappé. La ministre ne m’a pas reçu, sinon une cheffe de cabinet froide et cassante. Dans les heures qui ont suivi, je me suis senti très fatigué et lâché ». Contacté mercredi matin, Jean-Marc Bustamante confirme au Monde son découragement, se disant « très éprouvé par ces derniers événements », mais aussi par « l’ingratitude de la ministre qui ne m’a jamais reçu ni hier ni jamais, sans un mot de soutien et que j’agace », ainsi que par les « fausses promesses de sa cheffe de cabinet ».

Limites dépassées

Agé de 66 ans, le tout jeune Académicien dirigeait la prestigieuse école, forte de plus de 500 apprentis artistes, depuis octobre 2015. Il avait annoncé lui-même sa reconduction en mai, alors que l’usage veut que cela soit la tutelle qui annonce ce genre de nouvelles. Elle devait être, ou pas, entérinée par le conseil d’administration de l’établissement prévu le 12 juillet. Mais suite aux récents événements, ce point aurait, selon certaines sources, été enlevé de l’ordre du jour. Comment en est-on arrivé là ? En raison des multiples témoignages recueillis par un collectif de cinq étudiants qui faisaient état de cas de harcèlement moral et d’actes inappropriés de professeurs sur des élèves, voire de dérive sectaire ? Ou des sept plaintes pour racisme déposées au printemps par le personnel de nettoyage, soutenu par les avocats du Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) ? Ces histoires étaient connues de longue date.

Mais certaines limites ont apparemment été dépassées récemment. Par exemple dans des publications Facebook d’une violence rare publiées en soutien au directeur enfariné par Alberto Sorbelli, artiste pour le moins scandaleux que Bustamante avait invité pour un colloque à l’école en juin 2016. Traitant les étudiants qui avaient levé ces lièvres de « médiocre petit soldat nazi-catto [sic] », celui que l’on connaît pour son sens de la provocation prône « l’enculage quotidien des disciples qui trouveront ainsi les connaissances nécessaires ». Quant aux artistes étudiantes femmes, il recommande le même traitement « uniquement pour éviter la perte de temps de la grossesse et de l’enfantement ». Et de poursuivre : « Les étudiants en art doivent être violé [sic] sexuellement toutes les semaines par n’importe qui, profs compris ». Protégez-moi de mes amis, dit l’adage…