Les trois candidats de Trump pour la Cour suprême
Les trois candidats de Trump pour la Cour suprême
Par Pierre Bouvier
Le président américain a promis d’annoncer, le 9 juillet – si ce n’est plus tôt –, le nom du successeur du juge Anthony Kennedy, parti à la retraite.
Donald Trump a promis d’annoncer le successeur du juge Kennedy, le 9 juillet, au plus tard. / TOYA SARNO JORDAN / REUTERS
Après l’annonce du départ à la retraite d’Anthony Kennedy, l’un des juges de la Cour suprême des Etats-Unis, le président Donald Trump s’apprête à désigner son successeur. Le processus d’audition est mené par Don McGahn, le conseiller juridique de la Maison Blanche, depuis le 20 janvier 2017. Donald Trump a promis d’annoncer son choix le 9 juillet, si ce n’est plus tôt.
Pour remplacer le juge Kennedy, catholique d’origine irlandaise, la Maison Blanche dispose d’une liste de candidats potentiels. Selon le Wall Street Journal, le président, qui compte opter pour une personnalité issue du courant « originaliste » (soutenant que la Constitution doit s’interpréter en s’en tenant à la signification qu’elle avait en 1787), aurait réduit sa sélection à trois candidats catholiques : Brett Kavanaugh, Amy Coney Barrett et Raymond Kethledge.
L’enjeu de cette nomination est important : elle peut transformer le visage des Etats-Unis pour des dizaines d’années, notamment sur des sujets aussi importants que l’avortement, la santé, le mariage homosexuel ou la limitation des pouvoirs de l’exécutif.
Brett Kavanaugh, le favori
Depuis douze ans, Brett Kavanaugh est juge à la cour d’appel fédérale de la ville de Washington. Catholique, âgé de 53 ans, diplômé de l’école de droit de Yale (1990), il a fait partie de l’équipe du procureur indépendant Kenneth Starr qui a poursuivi Bill Clinton lors de l’affaire Monica Lewinsky, en 1998.
Après ce premier fait d’arme, il a travaillé comme assistant auprès du juge Anthony Kennedy à la Cour suprême et auprès de deux juges de cours d’appel fédérales. Il a ensuite rejoint l’équipe juridique de George W. Bush pendant l’imbroglio du recomptage des voix en Floride lors de l’élection présidentielle du 7 novembre 2000, avant d’entrer à la Maison Blanche, dans les équipes juridiques.
En 2003, le président Bush l’a nommé à la cour d’appel fédérale de Washington, à laquelle il a été confirmé par le Sénat, en mai 2006. Si son CV et son expérience font de lui le candidat le plus en vue, il a contre lui d’avoir commencé sa carrière aux côtés du juge Kennedy, qui a déçu les conservateurs sur les questions liées à l’avortement ou aux droits des homosexuel·le·s.
Pis, il a servi George W. Bush et compte parmi ses soutiens Karl Rove (ancien conseiller du 43e président des Etats-Unis), qui a déclaré pendant la campagne présidentielle de 2016 que Donald Trump était un « idiot complet ». Compte tenu de l’inimitié entre le clan Bush et la présidence Trump, sa désignation n’est pas assurée. Ann Coulter, une éditorialiste conservatrice qui a l’oreille du président, a tweeté : « Kavanaugh est clairement le meilleur choix. Mais [Amy Coney] Barrett serait la plus drôle. »
Amy Coney Barrett, la « rookie »
A 46 ans, Amy Coney Barrett est la favorite des électeurs chrétiens, qui prennent volontiers la plume dans Bloomberg ou The Week pour défendre sa candidature. Comme Brett Kavanaugh, elle a travaillé comme assistante à la Cour suprême, pour le juge conservateur Antonin Scalia (1998-1999), avant d’intégrer un cabinet juridique de Washington (1999-2002). Mais c’est à l’université qu’elle a passé l’essentiel de sa carrière, enseignant le droit à l’université de Notre-Dame (2002-2017), dans l’Indiana, dont elle est diplômée.
Elle est mère de sept enfants – dont deux adoptions – et sa foi catholique a fait l’objet de débats lors de sa confirmation à la cour d’appel fédérale de Chicago, en 2017 : la sénatrice démocrate Diane Feinstein l’a accusée de mettre trop en avant sa foi dans ses décisions.
La choisir serait pour Donald Trump une manière de provoquer les libéraux, écrit un chroniqueur du New York Times, ajoutant que les partisans de Mme Barrett se réjouissent à l’idée qu’une femme à la Cour suprême puisse mener le combat de l’abolition de l’arrêt Roe v. Wade (1973), qui a reconnu l’avortement comme un droit constitutionnel. Si elle entrait à la Cour suprême, elle en deviendrait la quatrième femme.
Dans une série de tweets, lundi 2 juillet, Chuck Schumer, le leader des sénateurs démocrates, a tiré le signal d’alarme concernant cette candidature, rappelant ses principales prises de position sur des sujets-clés comme l’avortement et l’Obamacare.
Le New York Times spécule, de son côté, sur son âge : trop jeune, elle pourrait être gardée en réserve par la Maison Blanche, notamment pour remplacer la juge Ruth Bader Ginsburg, âgée de 85 ans.
Raymond Kethledge, l’outsider
Le Washington Post écrit que, dans son processus de sélection, la Maison Blanche cherche un « deuxième juge Gorsuch », un conservateur nommé au début de l’année 2017 à la Cour suprême par Donald Trump pour remplacer Antonin Scalia, mort en février 2016.
Ce pourrait être Raymond Kethledge, catholique, âgé de 51 ans, juge à la cour d’appel fédérale de Cincinnati (Ohio). Même s’il ne fait pas figure de favori, comparé à Brett Kavanaugh. Comme Amy Coney Barrett, il n’est pas un pur produit de l’« Ivy League », les huit meilleures universités américaines. Diplômé de l’école de droit de l’université du Michigan (1993), M. Kethledge a commencé sa carrière juridique comme assistant d’un juge de la Cour d’appel fédérale de Cincinnati, puis conseiller juridique d’un sénateur républicain du Michigan (1995-1997), avant de devenir assistant pour le juge Kennedy (1997-1998).
Entre 1998 et 2006, il a multiplié les expériences, travaillant pour des cabinets d’avocats, comme juriste d’entreprise pour Ford et professeur de droit.
En 2006, il a été nommé à la cour d’appel fédérale de Cincinnati par George W. Bush, mais n’a été confirmé qu’en 2008. En 2016, le président Trump l’a inscrit sur sa liste de candidats potentiels à la Cour suprême.
En 2017, il a coécrit avec Michael S. Erwin, ancien officier passé par West Point, un livre intitulé Lead Yourself First : Inspiring Leadership Through Solitude (dirigez-vous d’abord : inspirer le leadership par la solitude).
Le Washington Post rappelle que ne pas appartenir à l’élite, pratiquer la chasse et la pêche à la ligne et venir du Midwest, qui a élu le président, pourraient au contraire constituer de sérieux atouts aux yeux de Donald Trump et de son électorat.
Les élections de mi-mandat comme toile de fond
Richard Friedman, un spécialiste de l’histoire de la Cour suprême, qui enseigne le droit constitutionnel à l’université du Michigan, résume dans The Detroit News la problématique du choix que doit opérer le président, à la lumière des élections de mi-mandat : « [Donald] Trump a besoin d’un candidat qui peut emporter l’adhésion de républicains modérés comme les sénatrices Susan Collins du Maine et Lisa Murkowski, de l’Alaska, toutes deux favorables à l’avortement [et à l’Obamacare], ou gagner le soutien d’élus démocrates menacés. »
Les démocrates sont justement en embuscade. Le président bénéficiant d’une courte majorité (51-50) au Sénat, ils comptent faire campagne auprès de Lisa Murkowski et Susan Collins pour qu’elles rejettent un candidat trop conservateur, rapporte le Washington Post. Ils comptent aussi faire campagne auprès de trois sénateurs démocrates (Heidi Heitkamp, Joe Manchin et Joe Donnelly) qui ont voté la confirmation de Neil Gorsuch.