TV – « High Maintenance », d’une grâce stupéfiante
TV – « High Maintenance », d’une grâce stupéfiante
Par Renaud Machart
Notre choix du soir. La série créée par Ben Sinclair et Katja Blichfeld constitue un portrait enchanteur de la New York « bobo » d’aujourd’hui (sur OCS à la demande).
High Maintenance (2012-2015), de Ben Sinclair et Katja Blichfeld, a commencé sa carrière sur Internet. La plate-forme de vidéo à la demande Vimeo en a d’abord diffusé, entre novembre 2012 et février 2015, les cinq premiers « cycles » – car il est difficile de parler de « saisons » pour cet ensemble de 5 × 3 épisodes (ou 4, dans le cas du cycle 2) de huit à vingt minutes.
L’originalité du ton, du scénario et la fantaisie douce-amère des auteurs ont convaincu la chaîne câblée nord-américaine HBO, qui n’a pas froid aux yeux en matière de sujets « sensibles », d’en commander un nouveau cycle de six épisodes de quelque trente minutes chacun. Une deuxième saison de dix épisodes a suivi et l’on sait, depuis février, que HBO a confirmé la commande d’une troisième.
Chaque épisode conte une histoire différente, jouée par des acteurs en général non récurrents, à l’exception de « The Guy » (« le Mec »), un dealer new-yorkais de marijuana à bicyclette, « aux allures de John Malkovich jeune » (ainsi que le décrit un personnage), formidablement interprété par Ben Sinclair lui-même.
Chaque visite du dealer chez ses clients est l’occasion pour lui d’être l’oreille plus ou moins consentante de leurs névroses, souvent carabinées, voire le complice forcé d’événements tragicomiques de leurs vies.
Ben Sinclair (« The Guy ») dans « High Maintenance », série créée par Katja Blichfeld et Ben Sinclair. / HBO
L’un des épisodes les plus intéressants de la saison 1 se concentre sur l’existence morose d’un chien – son maître, dépressif et boulimique, n’étant que rarement filmé au-dessus des épaules. La caméra suit l’animal, qui retrouve la joie de vivre au contact d’une « dog walker » (une « promeneuse de chiens ») avant de s’enfuir, recueilli par de nouveaux maîtres.
Cet épisode n’entretient qu’un rapport ténu avec la drogue, qui semble ne constituer qu’un simple et allusif prétexte à inclure ce petit bijou passablement excentrique au propos.
Le premier épisode de la saison 2 montre comment tout un groupe de jeunes bobos se voit chamboulé de manière tragicomique en apprenant, au réveil, une nouvelle qui allait, au-delà de leurs pires cauchemars, changer la face des Etats-Unis. Evidemment, « le Mec » fait ce jour-là l’une des meilleures recettes de sa carrière, tant étaient nombreux ceux à vouloir s’abstraire de cette réalité.
Ben Sinclair (« The Guy ») et Max Jenkins (Max). / HBO
Cette nouvelle sidérante, traitée différemment, était aussi l’« accroche » du premier épisode de « Cult », la septième saison d’American Horror Story, créée par le prolifique Ryan Murphy. Elle était développée ensuite comme un ressort dramatique, alors que, dans High Maintenance, la « bulle » bobo, une fois le choc initial encaissé, n’en semble pas affectée.
On aura décelé une sorte d’amollissement du récit au mitan de la saison 2. Dans l’épisode 5, « le Mec » fait une chute et se retrouve aux urgences. Ce qui est l’occasion d’une pause assez étrange et passablement longuette qui ferait presque décrocher le spectateur. L’épisode 6 est lui aussi un peu creux, malgré sa fonction de « séquence onirique ». Mais la suite de la saison ramène l’enchantement qu’on avait cru, à tort, compromis.
A vrai dire, High Maintenance n’a rien, dramatiquement, d’une série. Mieux vaut la considérer comme un enchaînement de nouvelles (au sens littéraire du terme) filmées qui finissent, en s’agrégeant, par créer un tout en forme de portrait de la New York bourgeoise bohème d’aujourd’hui, bigarrée, excentrique, aussi agaçante qu’attachante.
High Maintenance, saisons 1 et 2, série créée par Katja Blichfeld et Ben Sinclair. Avec Ben Sinclair (EU, 2016-2018, 6 × 20 min et 10 × 20 min). OCS Go à la demande.