Coupe du monde 2018 : on connaît déjà les gagnants, et ce ne sont ni les Bleus, ni les Anglais, ni les Croates
Coupe du monde 2018 : on connaît déjà les gagnants, et ce ne sont ni les Bleus, ni les Anglais, ni les Croates
Par Cécile Prudhomme, Yassine El Azzaz, Laurence Girard, Juliette Garnier, Elise Barthet
La compétition n’est pas finie, mais déjà les calculettes tournent pour déterminer comment l’économie française a pu – ou non – profiter du parcours de l’équipe de France.
A Paris, le 10 juillet. / LUCAS BARIOULET / AFP
Les Bleus sont en finale de la Coupe du monde de football, qu’ils disputeront le dimanche 15 juillet. Ce beau parcours, suivi depuis la France par des millions de supporteurs s’est accompagné de nombreuses après-midi et soirées festives. Ce temps passé devant les téléviseurs et les écrans géants n’a pas été perdu pour tout le monde. Certains, avant même la fin de la compétition, sortent déjà gagnants de l’épreuve.
- Un petit regain pour l’économie française
Un beau parcours en Coupe du monde de l’équipe de France rime-t-il avec croissance survitaminée ? Le match France-Belgique à peine achevé, l’économiste en chef d’Euler Hermes, Ludovic Subran, tweetait : « Selon nos calculs, gagner la Coupe du monde rapporterait 0,2 point de consommation de plus à la France, soit 0,1 point de croissance supplémentaire. La croissance de la consommation passerait de + 1,1 % à + 1,3 % en 2018 ; la croissance du produit intérieur brut passerait de + 1,8 à + 1,9 %. » Un dixième de point de croissance en plus, ce n’est pas grand-chose, mais ce n’est pas rien non plus, puisque cela représenterait environ 2 milliards d’euros. Surtout, cette estimation, d’un dixième de point, sans données précises, reste passablement approximative.
Peut-on alors prêter toutes les vertus – retour de la confiance, boom des naissances, envolée de la consommation et de la production – à une éventuelle victoire de la France, dimanche 15 juillet ? Rien n’est moins avéré. Ainsi, en 1998, si la consommation avait progressé de 3,8 %, contribuant pour les trois quarts à la croissance, cette hausse était surtout due à l’augmentation du pouvoir d’achat, à la reprise du marché automobile et à l’essor de la téléphonie mobile et de l’informatique. Plus marginalement à la Coupe, alors que l’Hexagone était le pays hôte.
Tout ce que l’on sait pour le moment, c’est que les dépenses en biens d’équipement du logement ont augmenté de 1,2 % entre mai et juin. « Majoritairement en raison des achats de téléviseurs », selon l’Insee. Les enseignes de produits électro-domestiques se frottent également les mains. Les ventes de téléviseurs, en France, ont bondi de 64 % au mois de juin par rapport à juin 2017, avec des pics d’activité de 140 % la deuxième semaine de juin. « Les ventes ont été portées par les écrans de grande taille et les nouvelles technologies, constate-t-on chez Fnac Darty, qui ne donne pas ses chiffres de vente. Cela s’explique par une forte baisse des prix de vente, les nombreuses communications et promotions et la diffusion de certains matchs en 4K Ultra Haute définition. »
Il y a fort à parier que les bars et les pizzerias afficheront également un bon mois. Comme le moral des ménages. Un effet bien-être de courte durée qui a été souligné, mercredi 11 juillet, par Bruno Le Maire sur France 2 : « Une victoire [lors] de la Coupe du monde, cela donne de la confiance en soi aux Français. Il y a une part d’irrationnel dans l’économie qui tient à la confiance en soi, l’envie, l’enthousiasme… », a déclaré le ministre de l’économie.
- Bar et bières, l’union sacrée
Les supporteurs de football aiment se retrouver au café. Une chance pour les nombreux établissements qui ont choisi de diffuser les matchs de la Coupe du monde. Pour un coût de retransmission estimé entre 190 et 300 euros pour l’ensemble de la compétition par Laurent Lutse, membre de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie. « Un bistrot peut doubler son chiffre d’affaires lors de chaque soirée de match », estime M. Lutse, qui pointe tout de même le côté éphémère de l’événement.
Au total, sur l’ensemble de l’année, ce petit plus se traduira par quelques points de pourcentage de chiffre d’affaires. Un bonus qui s’accentue au fur et à mesure du brillant parcours de l’équipe de France. Et que boivent les supporteurs ? « De la bière », affirme M. Lutse. Les grands brasseurs Heineken comme Kronenbourg ne donnent pour l’instant pas de chiffres. Sachant que la météo très favorable contribue aussi à cette hausse de consommation. Heineken et Kronenbourg estiment toutefois que, pour cette Coupe du monde, ils ne bénéficient pas, comme pour l’Euro 2016, qui se jouait en France, de l’afflux des touristes. La bière se consomme aussi à domicile avec biscuits apéritif, chips ou pizzas. Pour le plus grand bonheur de Belin, par exemple, un des sponsors des Bleus…
- De l’image pour les chaînes de télé
Le parcours des Bleus en Coupe du monde ne fait pas seulement le bonheur des supporteurs. Le groupe TF1, qui a acquis 28 des meilleures affiches de la compétition pour près de 70 millions d’euros, devrait encaisser, selon un spécialiste du secteur, près de 58 millions d’euros de recettes publicitaires. Ces chiffres comprennent également le parrainage des émissions et les recettes issues des plates-formes numériques.
La qualification de l’équipe de France pour la finale, auterme du face-à-face avec la Belgique, a été suivie par 19,1 millions de personnes. Bien que très élevées, les audiences pour cette édition 2018 de la Coupe du monde sont en légère baisse par rapport à 2014, quand les matchs étaient diffusés en prime time, à 21 heures.
La somme de 58 millions ne suffit donc pas à rentabiliser les droits acquittés par TF1, ce qui n’est pas exceptionnel, puisqu’il est toujours très difficile, voire impossible, de rentabiliser les frais engagés lors des grandes compétitions. L’événement permet néanmoins au groupe TF1 de renforcer son image de leader et de consolider le rôle du médium télévisuel dans un moment de liesse populaire. Pour les demi-finales, les tarifs pratiqués par TF1 pour les coupures publicitaires, diffusées lors de la mi-temps, ont varié entre 265 000 euros – pour un spot de quatre minutes diffusé lors de la première coupure publicitaire – et 250 000 euros pour les suivants. A titre de comparaison, le groupe M6 proposait des spots publicitaires à 270 000 euros, lors de l’Euro 2016.
Pour la finale, les tarifs vont augmenter très légèrement, puisque TF1 proposera un premier tarif à hauteur de 280 000 euros pour les écrans diffusés lors de la première coupure pub et un prix de 275 000 pour les suivants. Le bilan est donc positif pour le groupe, malgré un marché publicitaire en manque de dynamisme. C’est d’autant plus positif que – selon un connaisseur du marché – TF1 avait effectué ses prévisions en pariant sur une équipe de France allant jusqu’en quarts de finale.
Du côté de BeIN Sports, qui ne communique pas ses recettes publicitaires, la chaîne qatarie enregistre son record d’audience sur Espagne-Russie, huitième de finale diffusé en exclusivité, avec 1,468 million de téléspectateurs en moyenne. C’est le record de BeIN sur un match de compétition internationale, le dernier en date étant la finale de l’Euro 2016. Ces audiences, mesurées par Médiamétrie, ne comprennent pas les audiences en streaming et/ou à la demande ainsi que les visionnages hors domicile (bars hôtels et restaurants sont pourtant nombreux à être branchés sur BeIN Sports). Une étude publiée par Publicis Media indique ainsi que plusieurs millions de téléspectateurs hors domicile n’étaient pas mesurés. Dans le cadre de cette Coupe du monde, la chaîne qatarie a également franchi le cap des 4 millions de foyers abonnés. Ils étaient 3,5 millions avant le début de la compétition. Pour acquérir les droits de diffusion, BeIN a dépensé près de 60 millions d’euros.
- Qui veut son maillot des Bleus ?
+30 % : c’est le bond des ventes de maillots de sport réplicats à l’effigie des équipes de sport collectifs, en France, sur le mois de mai 2018, par rapport à mai 2016, selon le cabinet NPD Group. Parmi les bonnes ventes de la saison 2018 figure évidemment la tunique des bleus fabriquée par Nike, équipementier officiel de la Fédération française de football depuis 2008.
La qualification des Bleus en finale de la Coupe du monde devrait encore dynamiser les achats en magasin et sur Internet, où se concluent 20 % des ventes d’articles de sport. A ce rythme, le marché des maillots de sport réplicats pourrait franchir la barre des 4 millions de pièces vendues en 2018 en France. Toutefois, contrairement à leurs voisins allemands ou britanniques, les Français sont encore rares à enfiler un maillot officiel pour soutenir leur équipe favorite, locale ou nationale. Les ventes sont encore bien en deçà de celles réalisées en Allemagne et au Royaume-Uni, précise NPD Group.
Le réseau de magasins Intersport fait état d’une « énorme performance » sur cet évènement, avec 74 000 maillots de l’équipe de France vendus depuis son lancement en avril, contre 50 000 maillots à l’issue de l’Euro 2016, qui avait pourtant eu lieu dans l’Hexagone. L’enseigne constate, d’une manière générale, une hausse des ventes de 41 % en valeur sur les produits relatifs à la compétition (maillots et tenues nations, produits supporteurs) par rapport à l’Euro 2016 et « un poids de la catégorie football qui bondit à 11 % actuellement, contre 8 % le reste de l’année dans le chiffre d’affaires total du groupe ».