Kylian Mbappe et une membre des Pussy Riot, le 15 juillet à Moscou. / Thanassis Stavrakis / AP

Une « splendide finale ! », s’est ému un internaute russe qui pensait moins à la victoire de la France sur la Croatie qu’à la performance des Pussy Riot. Vêtus d’uniformes semblables à ceux de la police, deux femmes et un homme du collectif punk anti-Poutine ainsi nommé depuis 2011 sont parvenus à troubler quelques secondes la finale de la Coupe du Monde, dimanche 15 juillet, en pénétrant sur la pelouse en plein milieu du match. Furtive, leur action spectaculaire n’en a pas moins fait le tour du monde, comme cette photo saisie sur l’instant d’une Pussy Riot tapant dans les mains du joueur français Kylian Mbappé.

Ils étaient quatre, un homme, Piotr Verzilov, et trois femmes – Olga Kouratcheva, Olga Pakhtousova et Veronika Nikoulchina –, bien décidés à attirer l’attention sur les atteintes aux droits de l’homme en Russie. Mais seuls trois d’entre eux ont parcouru quelques mètres sur le terrain ; la quatrième a été attrapée sur la touche. Dans un texte intitulé « le milicien entre en jeu » et publié sur la page Facebook du collectif, le groupe fait allusion au sort d’Oleg Sentsov, le cinéaste ukrainien condamné à vingt ans de colonie pénitentiaire pour « terrorisme », et en grève de la faim depuis plus de soixante jours.

Se présentant comme des « policiers célestes », les Pussy Riot réclamaient la libération de tous les prisonniers politiques, l’arrêt des arrestations et des affaires pénales « fabriquées » ou bien l’instauration du pluralisme politique. « Tandis que le policier céleste regarde gentiment les fans du championnat du monde, le policier terrestre se prépare à dissiper les rassemblements », écrivaient-ils.

« Petites merdes »

Les « siloviki », les services de sécurité russes, s’en sont étranglés de colère, humiliés de ne pas avoir su prévenir, sous les yeux de Vladimir Poutine et des caméras du monde entier, cette intrusion dans les derniers instants d’une compétition jusqu’ici sans accroc.

Très vite, dans les instants qui ont suivi l’interpellation des Pussy Riot, une autre image s’est en effet superposée. Filmée par source inconnue, la scène, par ailleurs postée sur le compte Twitter de l’opposant Alexeï Navalny, est pénible. Emmenés dans des locaux à l’intérieur même du stade, deux des militants, Piotr Verzilov et Veronika Nikoulchina, essuient la fureur d’un policier dont le visage n’apparaît pas. « Des menottes ! Que quelqu’un me donne des menottes pour ces deux-là ! », aboie la voix en qualifiant les militants de « petites merdes ». « Alors, vous avez décidé de vous en prendre à la Russie, hein ? poursuit la voix. La Russie va devoir payer une amende à la FIFA à cause de vous. »

Placement en détention

Bravache, Piotr Verzilov, répond : « Nous sommes pour la Russie, comme vous, si vous êtes pour la Russie ». Mais son interlocuteur s’énerve de plus belle, après s’être enquis de la provenance des uniformes portés par les militants. « Vous les avez loués ? Parfois, je regrette que ce ne soit pas encore 37 ! », s’écrie-t-il. Le pic de la terreur stalinienne avait commencé en 1937.

Pour l’heure, une procédure administrative a été ouverte contre les Pussy Riot, qui se trouvaient toujours en détention au poste de police lundi matin. Le collectif s’était fait connaître en 2012 lorsque trois militantes avaient chanté une chanson hostile à Vladimir Poutine dans la principale église orthodoxe à Moscou. Condamnées à deux ans de colonie pénitentiaire pour blasphème et vandalisme, l’une avait été libérée à l’automne 2012 et les autres en décembre 2013, avant les Jeux olympiques d’hiver de Sotchi.

Enthousiastes pour certains, critiques pour d’autres, les réactions sur l’opération éclair, dimanche soir, du collectif, ont afflué sur les réseaux sociaux en Russie. Dans un sens comme dans l’autre, un sentiment général, cependant, dominait : après un mois de bonne humeur, les étrangers partis, la fête en Russie est finie.