Du giroflier, du santal, du bois de rose, du musc, de l’angélique, du bois d’aigle… Lorsque l’on pénètre dans le magnifique hôtel particulier qui abrite le Musée Cernuschi, en bordure du parc Monceau dans le huitième arrondissement de Paris, on est saisi par les senteurs qui émanent de l’exposition « Parfums de Chine, la culture de l’encens au temps des empereurs ». Elles proviennent des bornes olfactives qui jalonnent le parcours, apportant une touche ludique à cette exposition. Porté par ces effluves, le visiteur est emmené à la découverte de la civilisation chinoise selon un cheminement chronologique, du IIIe siècle avant notre ère jusqu’au XIXe siècle, des Han aux Qing, avec, pour fil conducteur, la fragrance.

Loin d’être un simple agrément, l’encens, parfum obtenu par la combustion de différentes fleurs, bois et résines, occupe, en effet, dans la civilisation chinoise, une place importante tant dans la philosophie que dans les pratiques religieuses, avec le développement du bouddhisme dès les premiers siècles de notre ère. L’encens joue alors le rôle d’intercesseur entre les humains et les divinités, celles-ci étant invitées à descendre sur terre par la fumée – ce n’est que plus tard que la forme liquide du parfum fut inventée.

L’encens parfume le Musée Cernuschi à Paris

« L’Empire chinois tout entier sent le musc, témoigne le père Evariste Huc, qui parcourut le pays au milieu du XIXe siècle et dont le beau catalogue accompagnant l’exposition reproduit des écrits. Les marchandises même importées d’Europe s’en pénètrent complètement après quelque temps ». L’encens a aussi marqué les pratiques profanes, la méditation et l’art de vivre, et suscité de très nombreuses productions artistiques chez les peintres, les poètes mais aussi les artisans d’art.

Bornes olfactives

L’exposition a réuni une centaine de pièces – objets, textes, estampes, peintures sur soie, venus en grande partie des collections du musée de Shanghaï –, qui témoignent de l’importance de la culture de l’encens dans la civilisation chinoise. Brûle-parfums (dont la forme évolua au fil des dynasties), encensoirs, boîtes à encens, vases, bourses, etc., servant à la diffusion des fragrances, en bronze, pierre, bois, céramique ou tissu brodé, rivalisent de raffinement. On découvre aussi de nombreuses peintures et estampes montrant des scènes de la vie littéraire et artistique où l’encens est omniprésent aux côtés de la musique, du jeu d’échecs ou de la calligraphie – dans la société Ming (XIVe-XVIIe siècles), parfum et littérature sont intimement liés.

Un brûle-parfum « sancai ». / 陆铖 / 陆铖

Ses effluves ont aussi une grande importance pour le soin du corps, la santé et le bien-être, comme en témoigne la magnifique peinture sur soie de Chen Hongsou (1598-1652), représentée sur l’affiche de l’exposition, où l’on voit une femme déployant les manches de son kimono au-dessus d’un brûle-parfum en forme de canard recouvert d’une cloche métallique afin d’en imprégner le tissu.

Les senteurs distribuées par les bornes olfactives ont été recréées par François Demachy, créateur de parfums chez Dior, partenaire de l’exposition, à partir de recettes anciennes retrouvées par le spécialiste de la Chine au CNRS, Frédéric Obringer, conseiller scientifique de l’exposition, notamment dans le Traité des parfums, de Hong Chu (vers 1115). Il a dû les « réinterpréter », car, explique-t-il, « certaines matières premières ont complètement disparu ». Cette collaboration originale avec le Musée Cernuschi lui inspirera peut-être une nouvelle fragrance pour la marque dont il est le « nez » de référence.

MUSÉE CERNUSCHI

« Parfums de Chine, la culture de l’encens au temps des empereurs », Musée Cernuschi, 7, avenue Vélasquez, Paris 8e. Du mardi au dimanche, de 10 heures à 18 heures. Tarifs : de 7 € à 9 €. www.cernuschi.paris.fr. Catalogue édité par Paris Musées, 240 pages, 39,90 €. Activités pour les enfants pendant les vacances.