L’affaire Benalla parasite l’examen de la réforme constitutionnelle à l’Assemblée
L’affaire Benalla parasite l’examen de la réforme constitutionnelle à l’Assemblée
Par Alexandre Lemarié
Alors que les députés devaient poursuivre l’examen des amendements, plusieurs élus d’opposition sont montés au créneau jeudi pour réclamer la création d’une commission d’enquête sur les violences du 1er-Mai.
L’examen du texte sur la réforme constitutionnelle à l’Assemblée nationale se trouve totalement parasité, jeudi 19 juillet, par l’affaire Benalla, du nom de ce collaborateur de l’Elysée filmé en train de frapper un manifestant à terre, dans une vidéo tournée le 1er mai à Paris.
Alors que les députés devaient poursuivre l’examen des amendements portant sur l’article 2 de ce texte essentiel pour le président de la République, plusieurs élus d’opposition, dont le communiste Sébastien Jumel ou le chef de file des députés Les Républicains (LR), Christian Jacob, sont montés au créneau jeudi après-midi pour réclamer la création d’une commission d’enquête sur les violences du 1er-Mai dans la capitale. En retour, le président de l’Assemblée, François de Rugy, a rappelé qu’il n’était pas possible de créer cette commission d’enquête, les différents groupes – à part celui du MoDem – ayant épuisé leur droit de tirage.
Des explications qui ne satisfont pas dans les rangs de l’opposition, où les interrogations fusent de toutes parts. « Cette affaire jette le discrédit sur le ministère de l’intérieur. Est-ce que c’est la première fois que c’est arrivé ? Qui a donné les ordres ? Est-ce que le préfet de police était au courant ? Le ministre de l’intérieur ? », a demandé le député La France insoumise (LFI) Ugo Bernalicis. « Qu’est-ce qui a justifié que sa hiérarchie, au premier rang le président de la République, a décidé de cacher cette affaire à la justice ? », s’est également interrogé M. Jacob, qui estime qu’Emmanuel Macron doit « s’expliquer ».
2 480 amendements
Alors que les interruptions de séance se sont multipliées, tous les groupes d’opposition ont exigé des comptes au gouvernement – voire au président de la République – sur cette affaire. Plusieurs députés ont notamment réclamé la venue du premier ministre et du ministre de l’intérieur dans l’Hémicycle pour obtenir des éclairages sur cette affaire, faisant valoir que la « bonne tenue des débats » ne pouvait être garantie. « Nous souhaitons des explications de la part de Gérard Collomb. Sans cela, nous ne pouvons pas continuer nos travaux », a lancé le député LR Patrick Hetzel. « Ne laissez pas cette affaire pourrir ! Il s’agit de l’autorité de l’Etat », a mis en garde Jean-Luc Mélenchon, chef de file des « insoumis ».
Dans cette ambiance tendue, un sentiment de gêne était perceptible sur les rangs du gouvernement et de la majorité, peu bavards. Au point que vers 16 h 20, une suspension de séance a suscité le soulagement dans les rangs de La République en marche (LRM), où certains y ont vu une occasion de « faire redescendre la pression et calmer tout le monde ». « Je suis abasourdi par le silence de la majorité », a d’ailleurs noté Sébastien Jumel. Signe que l’heure est grave : la conseillère parlementaire d’Edouard Philippe a également fait son apparition dans l’Hémicycle.
Mais, lorsque la séance a repris, M. Jumel a réitéré sa demande de création d’une commission d’enquête, jugeant que « personne ne peut accepter que nous reprenions la séance dans de bonnes conditions sans avoir des réponses à nos questions ». « Je ne vois pas comment nous pourrions continuer à travailler sérieusement sans avoir des explications du gouvernement », a abondé le député LR Laurent Furst, en dénonçant une « affaire étouffée au plus au sommet de l’Etat ». M. Jumel a lui aussi évoqué « un véritable scandale d’Etat ».
Interpellée sur ce sujet, la ministre de la justice, Nicole Belloubet, avait d’abord assuré dans la matinée que M. Benalla « était sur cette manifestation sans autorisation » ; ce qui paraissait contredire la version de l’Elysée, selon laquelle il avait bien une autorisation. Plus prudente, la garde des sceaux a répondu dans l’après-midi qu’elle ne « souhait[ait] absolument pas commenter davantage une affaire dont le parquet s’est saisi ».
Ces perturbations ne vont pas arranger l’exécutif et la majorité : depuis le début de l’examen de la réforme constitutionnelle en séance, le 10 juillet, les débats avancent plus lentement que prévu. Alors que l’examen du texte devait être initialement bouclé vendredi 20 juillet, les députés devront finalement siéger ce week-end pour tenter de venir à bout des 2 480 amendements déposés sur le texte, soit quatre fois plus que lors de la révision de 2008. Il en reste pour l’heure plus de 1 500 à examiner…