Affaire Benalla : pour la presse, les auditions de la commission d’enquête « obligent » Macron « à sortir du silence »
Affaire Benalla : pour la presse, les auditions de la commission d’enquête « obligent » Macron « à sortir du silence »
Par Nina Jackowski
Bon nombre de journaux, à travers leurs éditoriaux, considèrent que le chef de l’Etat « doit assumer sa part d’erreurs. Seul, face aux Français », pour reprendre les termes du « Midi libre », par exemple.
Alexandre Benalla à côté du président Emmanuel Macron, lors du défilé du 14-Juillet. / Philippe Wojazer / REUTERS
L’affaire Benalla n’en finit plus de faire la « une » des journaux depuis les révélations du Monde du 18 juillet, identifiant, vidéo à l’appui, un proche collaborateur du président de la République, Alexandre Benalla, molestant deux manifestants en marge du défilé du 1er-Mai, place de la Contrescarpe, dans le 5e arrondissement de Paris.
A l’issue des auditions, lundi 23 juillet, du ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, du préfet de police de Paris, Michel Delpuech, et du directeur de l’ordre public et de la circulation à la préfecture de police de Paris, Alain Gibelin, une bonne partie de la presse française appelle le président de la République Emmanuel Macron à sortir de son silence.
Le président « jupitérien » se mure dans le silence face à la déflagration, souligne Arnaud Bodin dans L’Alsace :
« Il n’est pas là, il ne dit mot, mais on ne parle que de lui. »
La parole présidentielle est attendue, selon l’éditorialiste, qui souligne « l’embarras du Château » suite aux dernières auditions du ministre de l’intérieur et du préfet de police.
« Collomb et Delpuech obligent le chef de l’Etat à sortir du silence », renchérit Olivier Biscaye, dans le Midi libre.
« L’étau se resserre »
A l’Assemblée nationale, lundi, M. Collomb, a souligné la responsabilité du cabinet du président de la République. Pire, à une question de Marine Le Pen, M. Gibelin a affirmé que M. Benalla était présent à des réunions entre ses services et l’Elysée entre le 4 et le 19 mai, période pendant laquelle l’adjoint au chef de cabinet d’Emmanuel Macron était censé être suspendu.
Mardi matin, les proches de M. Macron ont démenti la version de M. Gibelin. Qui, quelques minutes plus tard, a affirmé s’être trompé dans les dates.
« L’étau se resserre autour de l’Elysée. Désormais, Emmanuel Macron doit assumer sa part d’erreurs. En passer par là pour mettre fin au supplice, c’est l’unique solution. Seul, face aux Français », avance Olivier Biscaye.
D’autant que le silence de M. Macron entretient les spéculations. Certains s’interrogent sur la présence d’un « embryon de police parallèle, incarnée par M. Benalla », souligne Jean Levallois dans La Presse de la Manche. Du simple cas déviant, le « shérif hyperactif » – comme le désigne l’éditorialiste – est devenu le déclencheur d’une crise politique sans précédent, mettant en lumière les failles du « système Macron ».
Le chef de l’Etat est toutefois sorti de son silence mardi en publiant quelques mots sur son compte Twitter ; mais pour exprimer sa solidarité envers la Grèce, en proie à des incendies meurtriers.
« Ce n’est pas moi, c’est l’autre »
« Eberlué et désabusé », c’est ainsi que se qualifie Hervé Chabaud, dans L’Union et dans l’Ardennais, face à cette « insincérité flagrante » suite à l’audition de M. Collomb, qui affirme ne rien savoir du proche de M. Macron : « Je n’ai jamais évoqué le cas de M. Benalla avec le président. »
Les dénonciations en chaîne témoignent des failles de la stratégie de communication du gouvernement, où certains voient un changement d’époque en politique, comme Jean-Michel Helvig dans La République des Pyrénées :
« Le temps n’est plus, où des dignitaires de la République étaient prêts à accepter de se sacrifier judiciairement et politiquement, par fidélité ou conviction, afin de protéger un président menacé. »
Qu’il se rassure, selon Jean-Louis Hervois dans La Charente libre, après « le jeu du “c’est pas moi, c’est l’autre” (…), Patrick Strzoda, chef de cabinet à l’Elysée, pourrait fournir le bon fusible avant que tous ne pètent les plombs. » M. Strzoda doit être auditionné par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, mardi à 16 h 30.
Le « Benellagate » porte un coup d’arrêt à la frénésie des réformes engagées par le gouvernement, soulignent aussi certains journaux. « Ce n’est plus Jupiter omnipotent, mais Jupiter empêtré », avance Jean-Francis Pécresse dans Les Echos, rappelant la suspension de la révision constitutionnelle, marquant la victoire symbolique de l’opposition.
Notre sélection d’articles sur l’affaire Benalla
Retrouvez nos principaux contenus liés à l’affaire Benalla, du nom de l’ex-collaborateur d’Emmanuel Macron que Le Monde a identifié en train de molester un manifestant en marge des manifestations du 1er-Mai.
- Mercredi 18 juillet, Le Monde publie ses premières révélations et écrit avoir identifié Alexandre Benalla sur une vidéo mise en ligne dès le 1er-Mai sur YouTube.
- Le public découvre alors le visage de cet homme et de sa « bande », qui ne quitte jamais le sillage d’Emmanuel Macron depuis l’élection présidentielle.
- La préfecture de police de Paris se retrouve embarrassée et fragilisée par l’affaire Benalla.
- En cinq jours, l’affaire est devenue un scandale d’Etat : retrouvez le déroulement des événements dans l’ordre chronologique.
- A l’Assemblée nationale, une commission d’enquête a été mise en place et a auditionné le ministre de l’intérieur, qui s’est dédouané sur l’administration.
- Le point sur les pouvoirs de cette commission, mise en place pour un mois.
- Dommage collatéral, l’examen de la révision constitutionnelle a été formellement suspendu et ne reprendra pas avant la rentrée.
- Après des jours de silence, Emmanuel Macron a finalement commencé à organiser la riposte, près d’une semaine après nos révélations.
- Pour Jean-Pierre Mignard, avocat pénaliste, proche du président Emmanuel Macron : « L’Elysée a sous-estimé la faute d’Alexandre Benalla. »
- Paul Cassia, professeur de droit à Paris-I estime lui que « l’affaire Benalla appelle un vaste changement institutionnel ».