Lors d’une cérémonie dans le district dont ils sont originaires, trois enfants et leur entraîneur apatrides se sont vu remettre la nationalité thaïlandaise. / AP

Ils espéraient que l’émotion suscitée en Thaïlande par le drame de la grotte puisse faire prendre conscience du problème des apatrides. C’est un début. Ekkapol Chantawong, jeune entraîneur de football et seul adulte du groupe de rescapés, ainsi que trois des enfants de l’équipe des Sangliers sauvages, restés bloqués durant plusieurs semaines dans une des plus grandes grottes du pays, ont obtenu la nationalité thaïlandaise lors d’une cérémonie, mercredi 8 août, rapporte Le Guardian.

Le chef du district dont sont originaires l’entraîneur de 25 ans et les trois garçons leur a remis leurs cartes nationales d’identité. Celui-ci a affirmé que leur naturalisation n’avait rien à voir avec le drame de la grotte et qu’ils avaient entamé les démarches auparavant, remplissant toutes les conditions pour un changement de statut. Le gouvernement local ne s’est pourtant pas privé de vanter l’événement sur sa page Facebook : « Victoire pour les Sangliers sauvages ! Ils ont obtenu la nationalité thaïlandaise. »

400 000 apatrides en Thaïlande

Pourtant nés en Thaïlande, Ekkapol Chantawong et les trois jeunes garçons, Adul, Mongkol et Pornchai, font partie des plus de 400 000 personnes recensées comme apatrides dans le pays, d’après le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU. Des personnes n’ayant ni nationalité ni pays.

Moine novice pendant plusieurs années dès l’âge de dix ans, le jeune entraîneur rescapé est de l’ethnie Tai Lue, très présente à la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie. Les combats entre groupes ethniques et armée en Birmanie, voisine, sont l’une des principales raisons à cette présence massive d’apatrides, vivant souvent dans des camps depuis des années, dans les zones frontalières entre les deux pays.

Sans nationalité jusqu’alors, l’entraîneur et les trois garçons n’avaient pas de passeport : impossible donc pour eux de se rendre en Angleterre pour assister à un match de Manchester United, comme les y avait invités le club de football anglais le 10 juillet, après l’annonce de la fin de leur calvaire.

« Obtenir la nationalité [thaïe] est le plus grand espoir des garçons (…). Par le passé, ils ont été embêtés pour des matchs qui se jouaient en extérieur » à cause des restrictions de déplacements pour les apatrides, témoignait alors le fondateur du club de football auquel appartient l’équipe, Nopparat Khanthavong. « Ils ne peuvent pas non plus devenir joueurs professionnels », déplorait-il.

Ce dernier s’est réjoui, mercredi, de leur naturalisation : « Désormais, si, à l’avenir, ils ne veulent pas devenir footballeurs, ils pourront passer des examens pour devenir fonctionnaires ou trouver un bon travail à la sortie de leurs études. »

Ni droit de vote, ni mariage, ni compte en banque ou emploi

Les apatrides sont certes souvent scolarisés et intégrés à la vie locale, comme Ekkapol, qui a passé son adolescence dans un monastère bouddhiste, une solution d’éducation souvent choisie par les familles pauvres en Thaïlande. Mais ils ne peuvent se marier légalement, ni obtenir un emploi ou un compte en banque, posséder des biens ou voter.

La Thaïlande s’est engagée à enregistrer tous les apatrides d’ici à 2024 mais d’ici là, le flou règne. « Ce problème rencontré par plusieurs garçons de la grotte devrait servir de piqûre de rappel à la Thaïlande » et lui rappeler l’ampleur de la population apatride dans le pays, espère Pornpen Khongkachonkiet, d’Amnesty International en Thaïlande.

Agés de 11 à 16 ans, les douze membres de l’équipe de football des Sangliers sauvages étaient restés bloqués, à partir du 23 juin et pour certains jusqu’au 10 juillet, dans la grotte de Tham Luang. Ils ont survécu en buvant l’eau qui ruisselait sur les parois de la grotte, restant pendant neuf jours sans contact avec l’extérieur.

Après leur sauvetage quasi miraculeux et une semaine à l’hôpital, ils ont été accueillis dans un monastère bouddhiste, dont ils ont achevé samedi une retraite de 11 jours effectuée en hommage au plongeur mort pendant l’opération de secours.

« C’est un miracle » : les rescapés thaïlandais racontent leur sauvetage
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