Renaud Lavillenie est médaillé de bronze des championnats d’Europe, devancé par le Suédois Duplantis et le Russe Morgunov. / ANDREJ ISAKOVIC / AFP

Quatre ans sans titre majeur en plein air, Renaud Lavillenie a échoué dimanche 12 août à retrouver ses sommets. Si le perchiste tricolore n’est parvenu à décrocher que la médaille de bronze, la finale du saut à la perche des championnats d’Europe a offert un spectacle rare et d’un suspense formidable. À Berlin, le Français a été dominé par la jeune garde flamboyante menée par le Suédois Armand Duplantis (18 ans) et par le Russe Timur Morgunov (21 ans).

Très proche de son cadet Duplantis, Lavillenie a accepté avec le sourire cette défaite, faisant preuve d’un bel esprit sportif. « Ce n’est pas surjoué. C’est l’un des rares perchistes dont je peux dire que je le considère comme mon petit frère. On vient de vivre un truc de ouf. On a pas mal échangé durant la journée avec lui. L’objectif était d’être côte à côte sur le podium. Après, on verrait… », a-t-il réagi au micro de France 2.

Performance inouïe

Plus que la défaite avec les honneurs de Lavillenie, qui n’a plus remporté de médaille d’or lors d’un grand championnat en extérieur depuis les championnats d’Europe de Zurich en 2014, c’est la performance inouïe de Duplantis qui est à retenir. Le jeune homme a battu le record du monde junior en franchissant 6,05 m. Avant cela, il avait déjà battu son record en franchissant pour la première fois la barre des six mètres. Le vice-champion d’Europe, Morgunov, a lui aussi battu son record personnel en sautant également 6 mètres.

« Honnêtement, je ne suis pas là pour jeter des fleurs, mais c’est peut-être le plus gros concours de l’histoire. Je suis troisième avec 5,95 m, un mec à six mètres, un autre à 6,05 m. A l’époque de Bubka, il n’y avait pas autant de niveau. Le Polonais Lisek est quatrième avec 5,90 m, vous imaginez, c’est dingue », a déclaré Renaud Lavillenie. « Renaud est un modèle pour moi, ça l’était déjà quand j’étais plus jeune et ça l’est encore aujourd’hui. J’ai regardé beaucoup de concours, le seul truc négatif à propos de celui-ci, c’est que je n’ai pas pu y assister », a lâché avec beaucoup d’humour Armand Duplantis.

Dix-huitième podium international

Revenu dans le concours en faisant l’impasse à 5,95 m, le niveau était trop élevé pour Renaud Lavillenie. Cela fait trois ans que le recordman du monde du saut à la perche (6,16 m) n’a plus franchi 6 mètres en plein air, deux ans en indoor. Depuis 2014, il avait échoué – relativement bien sûr au vu de son statut d’ultra-favori – lors des Mondiaux de Pékin (bronze en 2015), de Londres (bronze en 2017), lors des JO de Rio (argent en 2016) et des championnats d’Europe 2016. À Amsterdam, il avait même complètement raté sa finale avec un zéro pointé.

Le champion français s’était tout de même consolé en remportant trois titres en salle : un européen à Prague (2015) et deux mondiaux à Portland (2016) et Birmingham (2018). Grâce à cette médaille de bronze, il monte sur un dix-huitième podium international en dix-neuf grands championnats, performance qui prouve une belle longévité.

Ces dernières semaines, le chef de file de l’athlétisme tricolore souffrait du genou. Il avait même dû subir une infiltration d’anti-inflammatoires avant d’arriver en Allemagne :

« Je sais passer outre la douleur de manière assez intense. Si j’ai la moindre douleur, je serrerai les dents jusqu’au bout. L’année dernière, je suis arrivé aux Mondiaux avec le dos en vrac et j’étais dans un état limite mais avec la compétition, mon cerveau a été capable d’effacer mes repères de douleur et j’ai fait un concours inespéré par rapport à l’état dans lequel j’étais. »

Armand Duplantis est champion d’Europe à l’âge de 18 ans. / Martin Meissner / AP

« Mon objectif au tout début était la longévité »

Il faut dire qu’à 31 ans – 32 en septembre – Renaud Lavillenie a déjà une longue et éprouvante carrière derrière lui. A l’instar de Mahiedine Mekhissi, quintuple champion d’Europe jeudi, il est au plus haut niveau depuis dix ans. En 2009, dans ce même stade olympique de Berlin, il décrochait sa première médaille d’importance : le bronze des championnats du monde. « C’était le championnat et la médaille du grand commencement au plus haut niveau et depuis j’ai pris ce malin plaisir à être sur tous les podiums de tous les championnats. C’est cool parce que mon objectif au tout début était la longévité », se félicitait-il lui-même.

Deuxième du bilan 2018, derrière celui qui l’a encore privé d’un titre mondial l’an passé, l’Américain Sam Kendricks (5,95 m contre 5,96 m), Renaud Lavillenie assiste à l’émergence d’une fantastique concurrence. Le prodige suédois Armand Duplantis et, à un degré moindre, le Russe Timur Morgunov, ne sont plus l’avenir de la discipline, ils en sont déjà le présent.

Une situation qui ne doit pas surprendre Lavillenie : « Dans certaines disciplines, un titre européen donne à peine le niveau pour être en finale mondiale. A la perche, aller chercher un podium européen, c’est aussi dur que d’aller chercher un podium aux JO. » Le champion français s’est incliné contre plus fort que lui. Il peut être fier de ce nouveau podium.