Une footballeuse marocaine profite d’un tournoi en Espagne pour émigrer clandestinement
Une footballeuse marocaine profite d’un tournoi en Espagne pour émigrer clandestinement
Par Ghalia Kadiri
Les cas de sportifs qui quittent leur équipe lors de compétitions internationales sont assez fréquents dans le royaume chérifien.
A l’aéroport de Valence, en Espagne, en juillet 2018. / JOSE JORDAN / AFP
A l’aéroport de Valence, ce vendredi 10 août, Meriem Bouhid dépose ses bagages sur le tapis roulant. Elle s’apprête à retourner au Maroc après avoir participé à un tournoi international de football féminin organisé en Espagne. Mais ses coéquipières prendront l’avion sans elle. Quelques minutes après avoir enregistré ses valises, l’attaquante de l’équipe nationale féminine des Lionnes de l’Atlas s’éclipse discrètement, désertant son équipe avec pour seules affaires « un petit sac » et son passeport, selon la presse marocaine.
Depuis, son visa Schengen a expiré et elle se trouve en situation irrégulière en Europe, a déclaré mercredi 15 août Mustapha Benslimane, le président du club Olympique de Safi (OSC), où la footballeuse de 24 ans évoluait depuis un an. Contactée par téléphone après sa « fuite », Meriem Bouhid a expliqué au président de l’OSC vouloir « changer de vie » et affirmé que « vivre au Maroc ne l’intéressait plus », sans donner plus de précisions sur ses projets.
Les responsables de la délégation marocaine ont aussitôt informé les services consulaires marocains en Espagne. La Fédération royale marocaine de football (FRMF), qui a ouvert une enquête, a indiqué avoir prévu d’examiner son cas lors d’une prochaine réunion.
« C’est dommage qu’elle soit partie comme ça. Elle aurait pu recevoir des offres de clubs européens. L’année dernière, quatre joueuses sont parties évoluer dans des clubs en Espagne et en Turquie », a regretté M. Benslimane. Meriem Bouhid avait déjà reçu une offre d’une équipe libanaise, « mais nous avons refusé car nous avions besoin d’elle », a-t-il ajouté.
Espoir d’une vie meilleure
L’attaquante, qui a notamment participé à quatre matchs éliminatoires de la Coupe d’Afrique, touchait un salaire mensuel de 6 000 dirhams (550 euros). « Un bon salaire au Maroc, sachant que peu de joueuses sont des professionnelles », selon le président de l’OSC. C’est plus que le salaire moyen, qui est d’environ 466 euros dans le royaume chérifien. Mais la cherté de la vie et le chômage, culminant à 26,5 % chez les jeunes de 15 à 24 ans et à 42,8 % chez cette population en milieu urbain, incitent de plus en plus de Marocains à passer la frontière espagnole clandestinement.
Parmi les 435 786 migrants installés illégalement en Europe en 2017, 6,9 % sont marocains, selon l’agence européenne Frontex chargée de la surveillance aux frontières. La plupart arrivent en traversant la Méditerranée par la route dite « occidentale » qui relie l’Afrique du Nord à l’Espagne.
Les cas de sportifs marocains qui profitent des compétitions internationales pour émigrer sont assez fréquents dans un pays où des milliers de jeunes rêvent de partir dans l’espoir d’une vie meilleure. En juin, deux lutteurs de la délégation marocaine qui devaient représenter le royaume aux Jeux méditerranéens, à Tarragone (Espagne), avaient prétexté un contrôle médical organisé par les équipes médicales du comité d’organisation pour quitter le village olympique quelques heures avant leur combat. Ce phénomène pourrait rendre de plus en plus difficile l’accès des sportifs marocains aux compétitions internationales, déjà soumises à des règles strictes concernant l’attribution des visas.