Les angoisses d’Hirohito sur sa responsabilité pendant la seconde guerre mondiale
Les angoisses d’Hirohito sur sa responsabilité pendant la seconde guerre mondiale
Par Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)
D’après des journaux de son chambellan, l’empereur avait souhaité en 1980 demander pardon à la Chine pour la guerre sino-japonaise.
Hirohito à Tokyo, en 1942. / STAFF / AFP
La question de sa responsabilité dans la guerre sino-japonaise et la seconde guerre mondiale angoissait l’empereur du Japon Hirohito (1901-1989) dans les dernières années de sa vie. C’est ce que révèlent des journaux de son chambellan Shinobu Kobayashi, rendus publics jeudi 23 août par l’agence de presse Kyodo.
« Vivre plus longtemps en réduisant mes activités n’a aucun sens. Cela ne peut qu’augmenter les risques de voir ou d’entendre des choses déplaisantes », aurait déclaré le 7 avril 1987 le souverain, connu au Japon sous le nom d’empereur Showa, dont le règne avait commencé en 1925. Et de préciser : « On m’a parlé de ma responsabilité pour la guerre. » « Seules quelques personnes » l’ont fait, tente alors de le rassurer M. Kobayashi, qui ajoute : « Considérant le niveau de développement du pays, c’est une simple page de l’Histoire, vous n’avez pas à vous inquiéter. »
La responsabilité d’Hirohito dans la guerre reste un sujet sensible au Japon. Le conflit a été mené en son nom mais il n’a pas été poursuivi pour crimes de guerre – comme d’autres dirigeants nippons – sur décision notamment du général Douglas MacArthur, qui dirigeait l’administration d’occupation du Japon après le conflit.
« A l’aise et inébranlable »
Selon un mémo révélé fin juillet par le quotidien Yomiuri, Hirohito aurait appuyé l’attaque de 1941 sur Pearl Harbor, qui a déclenché la guerre du Pacifique contre les Américains. « L’empereur semblait à l’aise et inébranlable après avoir pris la décision », signalait ce compte rendu reprenant les propos du premier ministre de l’époque, Hideki Tojo. D’autres éléments laissaient auparavant penser qu’il considérait une attaque contre les Etats-Unis comme « autodestructrice ».
C’est peut-être la preuve que le dernier souverain considéré comme une divinité au Japon était plus complexe qu’en apparence. Toujours selon les journaux de M. Kobayashi, l’empereur souhaitait en 1980 transmettre à Pékin ses regrets pour la guerre sino-japonaise. L’agence de la maison impériale s’y serait opposée par crainte des réactions des mouvements nationalistes.
Cité par la chaîne publique NHK, Takahisa Furukawa, spécialiste d’histoire contemporaine japonaise à l’Université Nihon, voit dans les journaux la preuve que l’empereur « assumait la responsabilité de la guerre depuis longtemps ; en vieillissant, ce sentiment est devenu plus fort ».