Le Z7 (à gauche) et le Z6 sont les premiers appareils hybrides de Nikon dotés d’un grand capteur 24x36 mm, gage d’une qualité photo optimale. Le premer embarque un capteur de 45 megapixels et coûte 3 700 euros. Le second est doté d’un capteur 24 megapixels et coûte 2 300 euros. Ces deux appareils rappellent beaucoup les modèles hybrides de Sony.

Nikon a annoncé, jeudi 23 août, deux nouveaux appareils à objectifs interchangeables qui représentent un tournant historique pour la marque nippone. Ces appareils ne sont pas des reflex, une catégorie qui a longtemps monopolisé le haut de gamme Nikon et valu au constructeur de gros succès commerciaux depuis les années 1950. Ce sont au contraire des appareils hybrides, une catégorie née dans les années 2000 et issue d’une idée audacieuse : se débarrasser de l’encombrant viseur optique des reflex. On trouve aujourd’hui des appareils de ce type chez tous les constructeurs à presque tous les prix, de 500 à 4 000 euros.

  • Une mauvaise réputation héritée du passé

Vus de l’extérieur, les viseurs électroniques ressemblent beaucoup aux viseurs optiques. Mais lorsqu’on plaque l’œil dessus, on comprend que ce sont de tout petits écrans, mesurant environ un centimètre de large, abrités derrière une lentille grossissante, et protégés du soleil par un œilleton.

Le viseur électronique d’un appareil photo Sony. / SONY

Les viseurs électroniques des premiers hybrides étaient franchement mauvais : trop petits, pas assez contrastés, ils manquaient cruellement de définition et affichaient des images saccadées. Ces défauts se raréfient, on les rencontre cependant parfois encore sur des hybrides premier prix, aux alentours de 500 euros. Il ne faut pas s’en formaliser car les viseurs des reflex bas de gamme souffrent eux-mêmes de problèmes fort gênants. Ils sont généralement trop petits, trop sombres, et rognent légèrement l’image.

  • Des défauts persistants

Les viseurs électroniques gardent cependant toujours deux problèmes récurrents. D’abord, l’image qui s’affiche n’est pas fidèle à celle qu’on prend en pressant le déclencheur. Trop souvent, les parties les plus lumineuses de l’image sont brûlées : leurs détails disparaissent. Ces différences peuvent induire le photographe en erreur.

En outre, à l’exception de quelques rares appareils hybrides, lorsqu’on prend une série de photos en rafale, le viseur vire au noir, et il devient impossible de suivre le sujet. Selon Renaud Marot, chef de rubrique au magazine Réponses Photo, « ces défauts finiront par être corrigés. Le viseur des nouveaux Nikon est impressionnant, bien meilleur que celui des hybrides Sony », leur principal concurrent. En dix ans, la progression des viseurs électroniques a été fulgurante : « Le jour et la nuit », estime M. Marot.

  • Une visée moins naturelle

L’observation revient souvent chez les professionnels de la photo attachés aux reflex. « Les viseurs électroniques me coupent de la réalité, surtout quand je photographie des personnes : ils mettent encore plus de distance au réel comme à l’humain », estime Sylvain Leurant, photographe de publicité. Une sensation qui peut s’atténuer avec le temps, comme le constate Renaud Marot, qui manipule énormément d’appareils : « J’étais très réticent au départ, mais j’ai de moins en moins cette sensation de coupure. » En revanche, lorsqu’on passe beaucoup de temps à regarder un viseur électronique, une certaine fatigue visuelle peut se manifester.

  • Des vertus éducatives

Les viseurs électroniques n’affichent pas la réalité telle que l’œil la perçoit, mais telle que l’appareil photo la perçoit. Cela peut s’avérer précieux pour les débutants, qui se familiariseront plus vite avec la perception très particulière de la lumière par les appareils photo. Même pour un passionné, il demeure intéressant de voir en temps réel ce que l’appareil photo voit, car les surprises, heureuses ou malheureuses, ne sont pas rares.

  • Résolument créatif

Beaucoup de passionnés de photo n’ont pas pour objectif de saisir la réalité de façon transparente, mais plutôt de l’interpréter. Certains prennent des images à dominante très sombre, quand d’autres préfèrent les images exagérément lumineuses. Pour eux, voir le résultat en temps réel dans le viseur permet de trouver le bon réglage plus rapidement, et même de tâtonner facilement pour trouver des réglages créatifs. Même chose pour les amateurs de photographies floues « bougées » ou « filées ». Les viseurs électroniques facilitent aussi la prise en noir et blanc, ainsi que la photo au format carré. On peut encore photographier directement avec des filtres Polaroid et choisir le cadrage en fonction des spécificités de ce rendu.

  • Des informations plus riches

Le viseur électronique affiche plus d’informations qu’un viseur optique. Et ces informations sont personnalisables : on peut les réarranger. Certains photographes font disparaître tout ce qui les perturbe, d’autres feront ressortir les outils qu’ils préfèrent. Par exemple, ils gardent un œil sur la stabilité du cadrage en affichant un horizon artificiel. Ou ils contrôlent leur exposition grâce à un histogramme qui donne une représentation graphique de la lumière, ou aux zébras, qui révèlent les zones de l’image brûlées en les faisant clignoter.

  • Silence et compacité

En éliminant le viseur optique, les hybrides se débarrassent du complexe jeu de miroir qui caractérise les reflex. Ils sont donc plus légers, plus compacts, et beaucoup plus silencieux, puisqu’ils ne subissent pas le claquement du bruyant miroir amovible des reflex. Dans certains contextes, comme la photo de spectacle, cette discrétion change tout. L’autofocus des appareils hybride s’est énormément amélioré. « Il couvre désormais 90 % de l’image contre 20 % pour un reflex de gamme équivalente », détaille Renaud Marot. En revanche, la batterie des hybrides souffre de la présence d’un viseur électronique. Les photographes à la gâchette lourde seront contraints d’emporter plusieurs batteries avec eux.

  • Un choix personnel

Rares sont les photographes qui abordent cette discipline avec un esprit froidement rationnel. La personnalité et la vision du monde comptent beaucoup dans la façon dont on choisit son équipement. Sylvain Leurant, par exemple, regrette que les viseurs électroniques soient « un écran de plus, alors qu’on passe déjà tellement de temps derrière des écrans. Pour [lui], l’idéal est qu’une photo soit imprimée ».

D’autres photographes apprécient le décalage que produit le capteur photo lorsqu’on l’utilise en combinaison avec un viseur optique, favorable aux surprises, aux erreurs, aux accidents féconds. Certains s’échinent même à contempler le monde tel que leur œil le voit, en se désintéressant de la façon dont l’appareil le perçoit. Qu’importe si, finalement, c’est le capteur photo qui gagne, car très souvent, la photo est une affaire de subjectivité.

En résumé :

Malgré ses atouts, le viseur électronique est loin de remiser les reflex au placard. La question de la préférence entre les deux types de viseurs se pose encore.

Le viseur optique des reflex est plutôt pour vous si :

  • vous préférez regarder vos photos sur papier que sur écran
  • vous pouvez passer des heures derrière votre viseur
  • vous êtes plutôt patient et contemplatif
  • vous gardez une petite nostalgie de l’argentique

Le viseur électronique des hybrides est plutôt pour vous si :

  • vous commencez la photo
  • vous aimez explorer et expérimenter
  • vous êtes plutôt hyperactif
  • vous photographiez très rarement en rafale
  • vous préférez les appareils compacts et silencieux

Les amateurs de photo ont aujourd’hui la liberté de choisir : on trouve d’excellents appareils hybrides comme d’excellents reflex. Mais les ventes des appareils à visée optique s’effondrent continuellement depuis six ans, alors que celles des hybrides ne cessent de monter en puissance. Certains sites comptent les jours qui séparent les reflex de leur disparition. Si les reflex poursuivent leur trajectoire descendante, dans quelques années, choisir un reflex pourrait devenir compliqué.