US Open : Adieu Andy le Droopy, bonjour Murray le joyeux
US Open : Adieu Andy le Droopy, bonjour Murray le joyeux
Par Elisabeth Pineau (New York, envoyée spéciale)
L’Ecossais, qui affronte l’Espagnol Fernando Verdasco ce mercredi au deuxième tour, bénéficie d’un nouveau capital sympathie depuis son retour de blessure.
Andy Murray lors de son premier tour de l’US Open face à l’Australien Duckworth, lundi 27 août. / Danielle Parhizkaran / USA TODAY Sports
Andy Murray a longtemps été boring. Du moins, dans l’esprit d’un grand nombre de suiveurs du circuit ATP. Le genre de joueur qui, sur le terrain, a une fâcheuse tendance à pester et chouiner plus que de raison. Certes, toujours contre lui-même, jamais envers l’adversaire. Et puis, il y a ce visage fermé et ce ton soporifique toujours de mise en conférence de presse, inversement proportionnel à la teneur de ses propos. Quand beaucoup se contentent du service minimum voire expédient l’exercice et les journalistes avec, Murray est l’un des joueurs les plus intéressants à écouter parler. Lymphatique, mais le verbe toujours pertinent. Bref, pendant longtemps, la forme ne collait pas avec le fond.
Mais ça, c’était avant. Avant une blessure à la hanche droite en juillet 2017 qui l’a contraint à rester scotché à son canapé pendant près d’un an. Après une longue hésitation, il s’est, finalement, résolu à passer sur le billard, à Melbourne, début janvier. « Je ne suis pas fini pour le tennis de haut niveau. Je redeviendrai compétitif, je suis très optimiste », voulait-il croire, quand beaucoup ne donnaient pas cher de sa carrière tant une opération conduite presque automatiquement à la case retraite. Les exemples en la matière sont légion : Hewitt, Kuerten, Nalbandian, Fernando Gonzalez…
Longue introspection
Orphelin de sa raquette, Andy Murray a tiré profit de ce temps de cerveau soudainement disponible pour se livrer à une longue introspection. Il s’en est d’ailleurs épanché sur les réseaux sociaux : « Le gamin qui sommeille en moi n’a qu’une envie : rejouer au tennis et retrouver la compétition… Cela me manque terriblement et je donnerais n’importe quoi pour être de retour sur le circuit. Jusqu’à maintenant, je ne réalisais pas à quel point j’aime ce jeu. »
L’Ecossais avait déjà subi une opération au dos, en 2013, « mais la blessure avait été plus facile parce que j’étais de retour sur le terrain et en compétition assez rapidement, développait-il dans le Washington Post en avril. Cette fois, c’est plus compliqué. Lorsque vous traversez une blessure comme celle-ci, vous réalisez à quel point jouer vous manque, à quel point c’est important pour vous. J’aime la pression, ça me manque, c’est quelque chose qu’il est difficile de retrouver dans la vie de tous les jours, or, je vis avec depuis treize, quatorze ans. »
Depuis sa reprise au Queen’s le 19 juin, le Murray nouveau est arrivé. Apaisé de « l’intérieur et cela se voit à l’extérieur », pour paraphraser un célèbre slogan publicitaire. Le garçon serre toujours le poing, coude serré quand il gagne un long échange, mais il a ajouté une mimique à sa panoplie : désormais, il lui arrive d’esquisser un sourire, comme les spectateurs du flambant neuf court Louis-Armstrong ont pu le constater, lundi, lors de son entrée en lice face au modeste australien James Duckworth, 448e mondial, maîtrisé en quatre sets (6-7, 6-3, 7-5, 6-3).
Moins revêche sur le court, plus expansif aussi. A Washington, début août, après un troisième marathon d’affilée victorieux en trois sets achevé au bout de la nuit, il s’est effondré sur sa chaise, la tête sous la serviette, dans une rare séquence lacrymale qui en disait long sur le chemin de croix de ces derniers mois. Sur son compte Instagram, il a ensuite eu ces mots, bien conscient de l’image du joueur froid et distant qu’il traîne à tort : « Chiant, triste à mourir, sans aucune personnalité. Mais un cœur énorme malgré tout. »
Il y a longtemps que ses camarades de vestiaire se délectent de cet humour pince-sans-rire prodigieux. Tous ceux qui ne soupçonnaient pas, en revanche, pareil potentiel d’autodérision ont pu y goûter au gré de ces onze mois loin des terrains, au court desquels il a régulièrement donné de ses nouvelles sur les réseaux sociaux. Sa blessure aura au moins été en cela salutaire.
Tombé de numéro 1 mondial à 838e en douze mois
Quand il découvre en juillet qu’il est relégué au 838e rang mondial avec 20 maigres points ATP au compteur, lui qui caracolait encore en tête du classement un an plus tôt, il légende ladite place entourée au stylo d’un laconique : « FIER » (depuis, son quart de finale à Washington lui a permis de faire un bond à la 382e place). Toujours sur Instagram, il n’hésite pas à étaler sa nouvelle bromance avec le bad boy australien Nick Kyrgios, comme sur cette vidéo où l’on voit les deux comparses embarquer dans les montagnes russes d’un parc d’attractions de l’Ohio. Ces dernières semaines, la chronique était quasi quotidienne : Andy aux Nations unies, Andy à la Maison Blanche, Andy s’entraîne pour les JO de gymnastique, Andy fait de la peinture…
Murray, 31 ans, a donc débarqué à New York auréolé d’une nouvelle image. Raquette en main, en revanche, les certitudes sont minces à l’heure où il s’apprête à disputer son deuxième tour, face à Fernando Verdasco (ce mercredi en deuxième match sur le court Arthur-Ashe). « Cet US Open est un peu différent, car chaque année depuis dix-onze ans quand je viens ici, je me suis préparé pour essayer de gagner le titre, alors que c’est un objectif qui n’est pas réaliste pour moi cette année », a-t-il résumé en conférence de presse à la veille du tournoi.
Murray a déboulé à Flushing Meadows – où il a remporté en 2012 le premier de ses trois titres en Grand Chelem – avec seulement sept matchs dans les jambes et des défaites précoces au Queens, à Eastbourne et à Cincinatti. Initialement, il avait prévu sa reprise en Grand Chelem à Wimbledon avant de renoncer à la dernière minute, prétextant se sentir encore trop juste physiquement pour le format en cinq sets. Sans doute, la pression à domicile était-elle aussi trop forte.
S’il se déplace désormais sans gêne, il n’en a pas fini pour autant avec la rééducation. « La semaine dernière, j’en faisais encore deux heures et demie le matin, puis une heure et demie en piscine l’après-midi sans compter tous les traitements qui peuvent prendre jusqu’à deux ou trois heures. Disons que c’est assez intense », détaillait-il, lundi, après sa victoire. Avec ce rictus en coin auquel il a visiblement pris goût.