Mystérieux cambriolage dans une annexe de la répression des fraudes
Mystérieux cambriolage dans une annexe de la répression des fraudes
Par Laura Motet (avec AFP)
L’un des trois ordinateurs volés contenait des documents concernant l’affaire Lactalis. La DGCCRF assure cependant qu’il ne s’agissait pas d’éléments sensibles.
Le 10 mai, trois ordinateurs et une tablette ont été dérobés lors d’un cambriolage dans une annexe parisienne de la DGCCRF (répression des fraudes), a révélé le Canard enchaîné dans son édition du 29 août.
Parmi le butin emporté par les cambrioleurs figurait un ordinateur contenant des documents sur l’affaire Lactalis. La DGCCRF est en effet l’un des services chargés de l’enquête sur le puissant groupe laitier et la crise sanitaire qu’il a provoquée en 2017. Au moins 41 cas de salmonellose avaient été détectés chez des bébés en Europe, dont 38 en France. En décembre 2017, le parquet de Paris avait ouvert une enquête pour « blessures involontaires » et « mise en danger de la vie d’autrui ».
Le motif du vol reste inconnu
Yassine Bouzrou, avocat de plusieurs familles de victimes, a affirmé jeudi 30 août sur France Inter que l’un des ordinateurs contenait des « éléments sensibles ». La veille, ses clients avaient porté plainte pour « dissimulation de preuves ».
Des affirmations que la répression des fraudes réfute, dans une déclaration à l’AFP, confirmée au Monde, assurant qu’aucun document issu de l’enquête pénale concernant Lactalis n’avait été dérobé. Un des ordinateurs volés contenait cependant bien des informations sur le géant laitier, mais non confidentielles et seulement « relatives à la gestion administrative du retrait » des produits après la crise sanitaire.
L’hypothèse d’un vol ciblé n’est en effet pas établie à ce stade des investigations « confiées au commissariat du 13e arrondissement », notamment parce que « d’autres effets ont été volés dans différents étages et bureaux », a indiqué la source proche du dossier à l’AFP.
« Le lieu du vol, le contenu des ordinateurs volés et le mode opératoire permettent de penser que ce vol a été commis par des barbouzes » pour dissimuler des preuves, a estimé pour sa part l’avocat du couple auprès de l’AFP. Pour Me Yassine Bouzrou, le parquet de Paris « privilégie naïvement la thèse du hasard » en ne reliant pas les deux enquêtes. « La position du parquet renforce l’hypothèse que le groupe Lactalis est protégé, d’autant plus que l’usine incriminée a pu réouvrir » en juin à Craon (Mayenne), a-t-il dénoncé.
L’enquête sur Lactalis continue
L’enquête préliminaire, qui dure depuis neuf mois, était toujours en cours fin août, selon une source judiciaire. A la mi-janvier, 38 bébés atteints de salmonellose après avoir consommé un produit d’alimentation infantile Lactalis avaient été recensés en France, ainsi que deux en Espagne et un autre en Grèce. Le géant laitier a été critiqué pour avoir tardé à réagir après deux contrôles internes en août et novembre 2017.
En janvier, ce même couple de plaignants, représenté par Me Bouzrou, avait déposé une plainte avec constitution de partie civile contre le groupe laitier et des services de l’Etat, les accusant d’une « administration de substances nuisibles ayant entraîné une infirmité permanente ».
Cette qualification criminelle, plus grave que les délits visés par l’enquête du parquet, rendait possible cette procédure, qui passe outre l’action du procureur et permet d’obtenir la désignation d’un juge d’instruction. Elle n’a pas abouti à ce jour, pour des raisons procédurales, selon des sources concordantes.