Le sacre des Bleus fait les bonnes affaires de la Fédération française de football
Le sacre des Bleus fait les bonnes affaires de la Fédération française de football
Par Rémi Dupré
Sept semaines après le triomphe en Coupe du monde, l’argent coule à flots à la Fédération française de football.
Sept semaines après le triomphe des Bleus en finale de Coupe du monde, l’argent coule à flots à la Fédération française de football (FFF). Si tous les voyants étaient au vert sur le plan financier avant l’épopée des joueurs de Didier Deschamps en Russie, les dirigeants de l’instance se réjouissent de « l’élan » post-Mondial et entendent surfer sur la vague.
En juin, ils avaient prudemment tablé sur une participation des Bleus aux quarts de finale du tournoi pour établir un budget record de 266 millions d’euros (250 millions plus 16 millions de dotations de la Fédération internationale de football) au titre de la saison 2018-2019. Mais, en allant au bout, les Tricolores ont permis à la FFF de toucher 32,6 millions d’euros de la FIFA.
Après avoir versé 30 % de cette somme en primes aux joueurs, la fédération peut se targuer d’une enveloppe de 272 millions d’euros pour ce nouvel exercice. « Les retombées de la Coupe du monde ne sont pas directes mais indirectes, nuance Noël Le Graët, président de la FFF depuis 2011. La dotation FIFA correspond avant tout aux frais de préparation, du camp de base, à la logistique en Russie. Mais nous allons dégager une marge positive de 2 millions d’euros sur la dotation FIFA. »
Des bonus versés par les sponsors
Sur le toit du monde, l’équipe de France est plus que jamais la pourvoyeuse de fonds et la vitrine de la FFF. Annuellement, l’instance tire ainsi de sa sélection 113 millions d’euros de revenus commerciaux. Les contrats liés aux droits télévisés (63,1 millions d’euros annuels) et l’ensemble des partenariats avec les sponsors avaient d’ailleurs été reconduits, avant le Mondial russe, pour le cycle 2018-2022.
« Sur le plan marketing, les marges de manœuvre sont limitées, observe Christophe Lepetit, économiste au Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de Limoges. Cependant il peut exister des clauses de bonus dans les contrats et ceux-ci peuvent avoir un effet mais relativement à la marge sur le budget fédéral. »
Principal partenaire de l’équipe de France (50,5 millions d’euros annuels jusqu’en 2026), l’équipementier américain Nike a ainsi versé un bonus conséquent (autour de 1 million d’euros selon le journal L’Equipe) à la FFF après le sacre des joueurs de Didier Deschamps à Moscou.
Le pactole des maillots
L’instance s’attend également à toucher un pactole (4,5 % du prix à l’unité) sur les ventes des – déjà mythiques et très onéreux (140 euros pièce) – maillots à deux étoiles fabriqués par Nike. La marque à la virgule espère, elle, pulvériser le record des tuniques écoulées (800 000) par Adidas après le sacre des Bleus en 1998.
Si près de 30 000 maillots ont été mis sur le marché mi-août, la deuxième livraison aura lieu mercredi 5 septembre, veille de la rentrée des Bleus contre l’Allemagne, à Munich, pour l’ouverture de la Ligue des nations, cette compétition créée, en marge des qualifications à l’Euro 2020, par l’Union des associations européennes de football (UEFA).
Au-delà de cette avalanche de chiffres, la victoire des Bleus a un impact indéniable en matière d’image. « Le regard sur nous a changé, a admis le sélectionneur Didier Deschamps en divulguant, jeudi 30 août, sa liste de vingt-trois joueurs retenus pour les premiers matchs de la Ligue des nations, contre l’Allemagne, et face aux Pays-Bas, dimanche 9 août, au Stade de France. Les Bleus ont un statut : on restera champion du monde pendant quatre ans. L’attente est plus forte mais on ne va pas se plaindre. »
Pour Gilles Dumas, cofondateur de l’agence de marketing Sportlab, « le foot n’est plus le mauvais élève de la classe, huit ans après la grève du bus de Knysna [Afrique du Sud] ». « Il était certes populaire mais, là, il a retrouvé des valeurs, souligne-t-il. Deschamps a fait primer le collectif sur les individualités. Il y aura donc forcément un élan : cette victoire va aider les clubs professionnels à vendre des loges dans les stades, par exemple. La FFF peut voir très loin. Mais comment va-t-elle gérer cet élan ? »
« Il n’y a pas de vraie redistribution »
Qui dit élan dit surtout hausse attendue des licenciés dans les clubs amateurs et écoles de football. « Il y aura probablement un phénomène de retombées du Mondial du côté des jeunes, insiste Noël Le Graët alors que 240 000 nouvelles inscriptions avaient été enregistrées après le sacre de 1998. Nous saurons fin septembre, début octobre. Nous avons plus de 2,1 millions de licenciés et notre objectif est avant tout d’accueillir et de faire jouer les jeunes dans les meilleures conditions. Pas de faire du chiffre. »
Cette « vague » attendue renvoie aux difficultés qu’éprouvent les dirigeants du « foot d’en bas ». « Les grandes équipes bien structurées vont pouvoir accueillir les jeunes mais les clubs ruraux et mal structurés auront du mal, soupire Eric Thomas, président de l’Association française de foot amateur (AFFA) et candidat malheureux à la présidence de la FFF en 2011, 2012 et 2017. C’est génial que les jeunes s’identifient aux Bleus. Mais une fois la parenthèse de l’été refermée, le foot amateur est dans une situation catastrophique. Quatre mille clubs sont morts ces quatre-cinq dernières saisons. La FFF est très riche mais il n’y a pas de vraie redistribution. »
Pourtant, la fédération s’apprête à verser 86 millions d’euros au foot amateur. Quant à Noël Le Graët, il promet de « dégager une enveloppe de financements supplémentaires pour les plus petits clubs », le 13 septembre, lors de la prochaine réunion du comité exécutif (le « gouvernement ») de la FFF. Le numéro un du football français se garde, toutefois, bien de donner un montant précis.
Patron du club amateur de Montlouis-sur-Loire (Indre-et-Loire), Eric Thomas considère ces annonces comme de la poudre aux yeux. « L’an passé, on a fait remonter à la FFF 150 millions d’euros de cotisations licences. En retour, on est la variable d’ajustement du foot français », s’insurge-t-il.
De son côté, Noël Le Graët espère prolonger cet « élan » avec la Coupe du monde féminine, organisée dans l’Hexagone du 7 juin au 7 juillet 2019. Un événement dont le dirigeant attend « un impact encore positif ».