Richard Gasquet n’a rien pu faire face à Djokovic, au 3e tour samedi :  « C’est le niveau qui est largement au-dessus des autres. Il faut mieux jouer tout simplement. Pas de doute à ça. » / Adam Hunger / AP

A la veille du début de l’US Open, il se murmurait dans les travées que Bernard Giudicelli ferait son apparition en deuxième semaine du tournoi. On ignore si le président de la Fédération française de tennis (FFT) a annulé son vol à la dernière minute vu la déconfiture de ses ouailles en simple, toutes hors course depuis samedi 1er septembre.

Mais on ne voit pas très bien comment lui, le chantre de la « culture de la gagne » – qu’il entend réinsuffler depuis son élection grâce au projet fédéral « Agir et gagner » – va pouvoir esquiver la remise en question et s’épargner des nœuds au cerveau dans les prochains jours.

Si l’insomnie le guette, au lieu de compter les moutons, il pourra toujours passer en revue toutes les performances des joueurs français en Grands Chelems depuis 1980.

Cette année-là, aucun d’entre eux ne s’était qualifié pour les quarts de finale des tournois du Grand Chelem, à Melbourne, Roland-Garros, Wimbledon et l’US Open. Trente-huit ans après, même fiasco. Le tennis français est K.O. debout.

Même s’il reste trois mois à jouer, le marasme se prolonge depuis le début de la saison. Sur les onze premiers gros tournois de l’année (Masters 1 000 inclus), les Français ont calé trois fois dès le 2e tour et autant au 3e, quatre fois en huitièmes, pour un maigre quart de finale (Gasquet à Monte-Carlo).

Fuite en avant et poisse du tirage

Au moment d’essayer de fournir un début d’explication samedi soir, Lucas Pouille (éliminé par le Portugais Joao Sousa) a opté pour la fuite en avant : « Je l’attribue à quoi ? Là maintenant, avec beaucoup de frustration, je ne vais pas répondre car je dirais beaucoup de conneries. Il sera temps de faire un point à la fin de la saison. »

Le numéro un français (17e mondial) n’a plus répondu présent dans les grands rendez-vous depuis ses deux quarts de finale coup sur coup à l’été 2016, à Londres et New York. Depuis quelques mois, les défaites prématurées se répètent tournoi après tournoi et sa place dans le Top 20 n’en paraît que plus menacée.

Chez Richard Gasquet et Caroline Garcia, qui ont buté respectivement sur Novak Djokovic et l’Espagnole Carla Suarez Navarro au 3e tour à New York, on invoque d’abord la faute à pas de chance : « Peut-être que contre Gaël [Monfils, à Wimbledon], j’aurais pu mieux faire. Mais sinon, j’ai eu Federer [en Australie], Nadal [à Roland-Garros] et Djokovic ici, au troisième tour à chaque fois. Donc bon, voilà », se justifie le Biterrois, dont la chevelure peroxydée aura été la seule audace sur le terrain ces dernières semaines.

La numéro un française se défend, elle aussi, d’avoir hérité d’« un tirage un peu plus difficile que l’année dernière ». Depuis sa formidable fin de saison 2017, elle ne cache pas avoir du mal à assumer les espoirs placés en elle-même si, paradoxalement, elle atteint le meilleur classement de sa carrière (elle s’est hissée à la 5e place il y a deux semaines).

« Cette année, ça a été plus difficile d’enchaîner les matchs en Grand Chelem mais j’ai vraiment essayé de me battre, ce n’est pas comme si j’avais fait des non-matchs. » Pour la quatrième fois en dix ans, aucune Française n’aura atteint les quarts cette saison en Majeurs.

Et les autres, alors ? Opéré au ménisque gauche en avril, Jo-Wilfried Tsonga (65e) n’a plus remis un pied sur un court depuis le tournoi de Montpellier, en février. Adrian Mannarino (29e), Gilles Simon (40e) et Benoît Paire (56e) ont engrangé presque autant de défaites que de victoires cette saison.

Quant au mystère Monfils (39e), évanescent sur le circuit, il s’est encore un peu plus épaissi depuis janvier. Contraint à l’abandon sur blessure à New York, il a pourtant assuré de sa volonté de se sortir de « cette spirale négative qui traîne depuis pas mal de temps ».

« Tout le monde aurait pu mieux faire. Ça n’a pas été une belle saison, pour tout le monde », résume Gasquet. Mais attendons de voir ce qu’il va se passer dans les quatre-cinq ans qui arrivent. C’est vrai que derrière Lucas, la relève tarde un petit peu. Mais c’est important de les encourager tous pour qu’ils arrivent à ce niveau-là. Parce que c’est important pour le tennis français d’avoir des joueurs dans les dix premiers. Historiquement, il y en a eu dans toutes les générations. »

Trou dans la relève

Le poids du tennis français dans le Top 100 a de quoi encore faire des envieux. Depuis une vingtaine d’années, sur la balance, la France a souvent dominé la concurrence. Lors de la dernière publication du classement ATP, le 27 août, ils étaient encore 10, devant l’Espagne (9) et l’Australie (6). Seuls les Etats-Unis (12) étaient devant.

Mais la majorité a passé le cap des 30 ans et derrière, la relève se fait attendre. La génération des joueurs nés entre 1990 et 1992, prometteurs chez les juniors, a raté le coche une fois chez les professionnels. Les regards se tournent désormais vers le millésime 1998-1999 : Corentin Moutet (112e mondial) et Ugo Humbert (139e), sorti de l’anonymat à New York.

« On s’est peut-être reposé. Il faut se remettre en cause, au niveau de notre système de formation et de nos méthodologies, concédait dimanche sur RMC Pierre Cherret, le directeur technique national. Les nations qui fonctionnent bien ont une vraie approche de formation de leurs jeunes et une approche technique du jeu. On voit ce que les Espagnols ont fait il y a quelques années. On a eu cette méthode il y a longtemps. »

De la part de nations dans le besoin, l’indulgence prévaut si les résultats ne suivent pas toujours. Mais quand on dispose d’une poule aux oeufs d’or comme Roland-Garros (le tournoi génère 85 % des ressources annuelles de la FFT), difficile de trouver des circonstances atténuantes.

Toni Nadal s’en étonnait dans Le Monde à la veille de Roland-Garros. La Fédération française, hautement centralisée, « a beaucoup plus d’argent que la nôtre, beaucoup plus de licenciés aussi (…) et pourtant, nous avons de meilleurs résultats, constatait l’oncle et mentor du numéro un mondial. Ce n’est pas que de la faute des joueurs, une Fédération sans résultat doit se remettre en question. »

Comme l’an dernier, il reste la Coupe Davis pour espérer sauver ce qui peut encore l’être. « Un des points positifs, c’est que je suis très bien physiquement », relevait Pouille après sa défaite samedi. Comme ses coéquipiers, il aura eu tout le temps pour se remettre du décalage horaire avant la demi-finale face à l’Espagne à Lille les 14, 15 et 16 septembre. Peut-être la seule bonne nouvelle de la déroute new-yorkaise.