Un trou de perceuse à l’origine d’une fuite dans la Station spatiale internationale
Un trou de perceuse à l’origine d’une fuite dans la Station spatiale internationale
Par Hervé Morin
Les enquêteurs ont d’abord cru à une micrométéorite. Mais c’était bien une perceuse qui a fait un trou de 2 mm dans un vaisseau Soyouz arrimé à l’ISS.
Trou de 2 mm dans un élément du vaisseau Soyouz MS-09, responsable d’une fuite à bord de la Station spatiale internationale. / NASA
Un sabotage à bord de la Station spatiale internationale (ISS) ? Les déclarations de Dmitri Rogozine, patron du consortium spatial public russe Roscosmos, à propos d’une fuite survenue il y a quelques jours dans l’ISS, ont jeté le trouble, lundi 3 septembre. « Il y a eu plusieurs tentatives de percer » un trou dans le Soyouz MS-09 amarré à l’ISS, a indiqué M. Rogozine, ajoutant que ce trou semblait avoir été fait par une « main hésitante ». « De quoi s’agit-il : d’un défaut de fabrication ou d’un acte prémédité ? », s’est-il interrogé, cité par l’agence publique Ria Novosti. « Nous étudions la version [d’un problème causé] sur Terre. Mais il y a aussi une autre version que nous n’excluons pas : une interférence délibérée dans l’espace », a-t-il aussi indiqué, rapporte l’AFP.
Dmitri Rogozine a assuré que le responsable allait être démasqué. Il s’agit d’« une question d’honneur » pour cet ancien vice-premier ministre nationaliste nommé au printemps pour reprendre en main une institution dont la réputation a été récemment ternie par plusieurs scandales financiers et échecs techniques.
Adhésif et résine époxy
L’affaire remonte au 30 août, quand une baisse de pression a été enregistrée à bord de la station orbitale. L’équipage s’est aussitôt mis à la recherche de l’origine de la fuite, fermant un à un les différents modules pour remonter à sa source. Cette enquête l’a conduit au vaisseau Soyouz qui, en juin, avait acheminé trois personnes à bord de l’ISS. Derrière une protection de tissu, un trou de 2 millimètres de diamètre a été découvert, bordé de griffures attribuées au dérapage d’un foret sur la surface : le trou n’avait manifestement pas été fait par une micrométéorite, comme l’avait d’abord soupçonné l’équipage.
Un adhésif, puis la pose d’une résine ont permis de colmater la fuite — non sans hésitation du commandant de la mission, l’Américain Drew Feustel. Certains médias américains font ainsi état de sa demande insistante pour obtenir un délai de 24 heures afin de réaliser des tests au sol et s’assurer de la bonne étanchéité de la solution envisagée. Mais le Soyouz étant sous responsabilité russe, la solution à base d’époxy a été mise en œuvre dès le 31 août, ramenant une pression normale à bord.
Actuellement, trois vaisseaux sont accrochés à la Station spatiale internationale : le cargo Progress 70, le Soyouz MS-08 et le Soyouz MS-09, sur lequel la fuite est survenue. / NASA
Reste désormais à connaître l’origine de ce trou. Ria Novosti, citant des sources anonymes au sein d’Energia, la société russe chargée de la construction des Soyouz et des vaisseaux de ravitaillement Progress, propose une explication : l’orifice aurait été fait sur Terre par erreur lors de l’assemblage du module. Les ouvriers auraient colmaté le trou avec de la colle, sans en aviser le contrôle qualité. Ce calfeutrage aurait permis au vaisseau de passer les tests d’étanchéité avant le décollage de l’engin, le 6 juin, avec à son bord le Russe Sergueï Prokopyev, l’astronaute allemand de l’Agence spatiale européenne (ESA) Alexander Gerst et leur collègue de la NASA Serena Aunon-Chancellor. Mais la colle aurait séché et lâché une fois en orbite.
Cette thèse n’a pour l’heure pas été confirmée par Roscosmos, tandis que ses partenaires américains et européens, NASA et ESA, se gardent de tout commentaire. Nul doute cependant que l’affaire suscitera quelques franches explications, notamment sur la question essentielle du contrôle qualité.
Actuellement, seule la Chine dispose de moyens propres pour envoyer ses équipages dans l’espace. Le reste de la communauté internationale dépend des Soyouz russes pour assurer l’occupation humaine de l’ISS : les Européens n’ont pas de vaisseau habitable, les Américains n’en ont à la fois plus (depuis la mise à la retraite des navettes) et pas encore, les « taxis » spatiaux de Boeing et SpaceX n’étant toujours pas au point.