Délinquance : hausse des chiffres des violences faites aux femmes
Délinquance : hausse des chiffres des violences faites aux femmes
Par Nicolas Chapuis
Gérard Collomb a présenté jeudi un premier bilan de la sécurité en 2018. Si les atteintes aux biens sont en baisse, celles aux personnes sont en hausse.
Puisque la tendance de la rentrée est à l’évaluation, Gérard Collomb a pris les devants pour présenter lui-même son propre bilan sécuritaire, jeudi 6 septembre, devant la presse. Le ministre de l’intérieur a donné les détails chiffrés de l’évolution de la délinquance depuis le 1er janvier. Une manière de brosser lui-même le tableau de son action Place Beauvau, alors qu’ont été mis en lumière ces dernières semaines des chiffres alarmants sur les violences aux personnes.
S’il reconnaît une augmentation générale des atteintes volontaires à l’intégrité physique de la personne (les AVIP en jargon policier) de l’ordre de 5,7 %, Gérard Collomb tient à nuancer ce chiffre, en soulignant que « le nombre de violences dites crapuleuses, celles qui sont commises à des fins d’appropriation ou de vol, diminue très nettement de plus de 8,8 %, soit une baisse de 5 000 faits environ en sept mois, ce qui représente environ vingt-cinq actes de violence de moins chaque jour », soit la plus forte baisse depuis dix ans.
En revanche, les coups et blessures volontaires progressent de 7,5 %, passant de 129 000 cas à 139 000. Les femmes sont les premières victimes, souvent au sein de la sphère familiale. Elles représentent 6 000 cas sur les 8 000 nouveaux faits enregistrés dans ce cadre.
Les violences de nature sexuelle suivent une courbe encore plus préoccupante avec une progression de 23,1 % sur les sept premiers mois de 2018, par rapport à la même période en 2017 qui marquait déjà un pic. Les forces de l’ordre ont traité 3 357 faits de harcèlement sexuel de plus en un an.
Si le mouvement de libération de la parole des femmes depuis l’automne 2017, qui a pu pousser certaines victimes à porter plainte alors qu’elles ne l’auraient pas fait auparavant, peut expliquer une partie de ces chiffres, la tendance n’en reste pas moins inquiétante. Le ministère de l’intérieur a prévu de lancer en octobre « une plate-forme de signalement des violences sexuelles et sexistes » afin de faciliter le dépôt des plaintes.
Un taux d’élucidation qui s’améliore
En revanche, Gérard Collomb se félicite de la diminution des atteintes aux biens : – 3,9 % sur les sept premiers mois de l’année, avec 48 000 faits de moins, qui concerne notamment les vols avec violences (– 8,8 %), les vols à main armée (– 17,7 %) et la délinquance liée à l’automobile (– 4,8 %). Les cambriolages connaissent leur plus forte baisse depuis dix ans : –6,2 % par rapport à 2017, au niveau national, même si un « point d’inquiétude » existe à Paris où ils progressent de 6,3 %. Enfin, les forces de l’ordre voient leur taux d’élucidation s’améliorer légèrement, notamment sur les vols à main armée (+ 10 points).
Pour le ministre de l’intérieur, la mobilisation de la police et de la gendarmerie a déjà des conséquences économiques avec « un tourisme qui a renoué fortement avec la croissance ». Il y voit les effets de la loi antiterroriste votée en 2017, qui a transposé une partie de l’état d’urgence dans le droit ordinaire : « On a pu le vérifier cette année et particulièrement à Paris. Oui, les touristes américains ou asiatiques à qui leurs agences de voyage avaient l’an dernier déconseillé la destination France, sont aujourd’hui revenus. On voit que cette loi qui avait été beaucoup décriée, nous permet au contraire, parce qu’elle assure la sécurité, de redonner une confiance à tous. »
Ce bilan était l’occasion de dépeindre une police et une gendarmerie au plus près du terrain, notamment pour sécuriser la rentrée des classes. « Ce sont 23 000 policiers et gendarmes, dont 3 000 réservistes, qui ont été engagés aux abords de nos écoles », a rappelé Gérard Collomb, qui a aussi annoncé la tenue « d’un état-major de sécurité spécifiquement consacré aux questions scolaires ». La question de « l’élaboration, site par site, d’un plan particulier de mise en sécurité » et de « l’organisation régulière d’exercices » y sera discutée. La menace d’un nouvel attentat en milieu scolaire, après celui perpétré par Mohammed Merah en 2012, reste l’une des plus grandes préoccupations des forces de sécurité.
Vœu pieux
Le ministre de l’intérieur a également vanté les mérites de sa police de sécurité du quotidien, dont les acteurs peinent à voir aujourd’hui les effets sur le terrain. Au ministère, on espère que les effectifs issus de la prochaine promotion de l’école de police, qui sera opérationnelle fin septembre, permettront de donner un coup de fouet et une visibilité au dispositif. L’accent est aussi mis sur les investissements importants pour l’équipement numérique des forces de l’ordre, avec le déploiement de tablettes et de caméras-piétons. Et le ministre d’assurer comme un vœu pieux qu’il sortira gagnant des discussions budgétaires au Parlement : « Dans les semaines à venir, vous verrez également, dans le cadre du projet de loi de finances que les moyens seront au rendez-vous. »
Le message est autant destiné à ses troupes, inquiètes de leurs futures dotations budgétaires, qu’à ses contempteurs. Car si le gouvernement a vacillé en cette rentrée mouvementée, dans la foulée de la démission de Nicolas Hulot, le ministre de l’intérieur n’a pas été épargné par l’agitation ambiante autour de ce remaniement involontaire. Sa gestion controversée de l’affaire Benalla, où il est apparu comme un ministre de l’intérieur mal informé, ce qui n’est jamais souhaitable Place Beauvau, a fragilisé sa position.
Des rumeurs ont également couru sur ses envies de retour à Lyon, lui qui n’a jamais vraiment quitté des yeux la cité rhodanienne, dont il fut maire entre 2001 et 2017. En donnant l’image d’un ministre à la manœuvre en cette rentrée et en détaillant « les priorités d’action qui guideront le ministère de l’intérieur jusqu’à la fin de l’année », Gérard Collomb ferme le ban. En tout cas pour quelques mois.