« Queer Eye », politiquement correct mais drôle
« Queer Eye », politiquement correct mais drôle
Par Renaud Machart
La nouvelle mouture de l’émission « Queer Eye for the Straight Guy » (2003-2007) n’évite pas les clichés bien-pensants, mais informe et divertit.
« Queer Eye », saison 2. / COURTESY OF NETFLIX
Il y a quinze ans, l’émission de télé-réalité « Queer Eye for the Straight Guy » (« regard homo sur l’hétéro », 2003-2007) avait fait un tabac aux Etats-Unis en envoyant cinq garçons gay corriger le physique, l’habillement, l’alimentation et l’intérieur d’hétérosexuels consentants, quoique peu intéressés par ces sujets.
On pénétrait dans de tels taudis qu’on se doutait bien que la production avait recommandé aux candidats (en général « dénoncés » par leur meilleur ami ou leur compagne) de ne pas passer l’aspirateur et de ne pas jeter les emballages de pizza pendant un bon mois avant l’arrivée des cinq gays, aux glapissements horrifiés.
Netflix a repris l’émission en début d’année, avec un tel succès qu’une deuxième saison a suivi cet été et qu’une troisième est prévue pour début 2019. On note de sensibles changements : « Queer Eye for the Straight Guy » est devenu « Queer Eye » tout court.
Au cas où ne s’occuper que d’hommes cisgenres hétérosexuels serait vu comme discriminant, la production a sélectionné un homme transgenre, un jeune homosexuel afro-américain. Dans le premier épisode, on s’occupe d’ailleurs principalement du relooking de la mère de ce dernier. C’est plus politiquement correct, mais moins piquant.
Dimension psychologisante
L’émission originale restait dans la région de New York, alors que « Queer Eye » fréquente les petites villes de l’Etat de Géorgie, dans le sud des Etats-Unis. On a du mal à croire que l’accueil qui leur est réservé serait le même partout et que tous les maires aient l’ouverture d’esprit de celui qu’on découvre, hipster en diable, dans l’épisode conclusif. Tant du côté des relookeurs que des candidats, « Queer Eye » est plus divers ethniquement. Autre nouveauté : une dimension psychologisante plus affirmée, mais qui tente de faire croire, de manière souvent grotesque, qu’on peut découvrir son « moi » profond en une semaine.
Les accolades, les larmes et les « Oh, my God ! » pleuvent. On frise parfois le ridicule avec, par exemple, la demande en mariage publique du candidat de l’épisode 2. Et les « cinq fabuleux », comme ils sont surnommés, en font des tonnes et des tonnes. Mais sous l’excès et le sentimentalisme demeurent une candeur, une générosité et une drôlerie qu’on aurait mauvais gré d’ignorer.
« Queer Eye », saison 2 (EU, 2018, 8 × 45 min).