Comment la France tente de sauver la taxe digitale européenne
Comment la France tente de sauver la taxe digitale européenne
Par Cécile Ducourtieux (Envoyée spéciale à Vienne (Autriche)
Paris espérait un signal positif surtout des Allemands à Vienne samedi 8 septembre, à l’occasion de la réunion mensuelle des ministres des finances des 28.
Angela Merkel et Emmanuel Macron, le 7 septembre à Marseille. / POOL / REUTERS
Il s’agissait de relancer le projet de taxe digitale poussé par Emmanuel Macron depuis un an à Bruxelles pour lequel au niveau politique aucun progrès n’a été constaté durant l’été.
Pire : l’Allemagne, réticente, semblait même s’être raidie.
L’hebdomadaire populaire allemand Bild a publié en début de cette semaine une note confidentielle du ministère des finances à Berlin jugeant ce nouvel impôt européen « inefficace ». Mais le ministère des finances a démenti vouloir abandonner la taxe et samedi Olaf Scholz, le ministre social-démocrate, a tenu des propos rassurants estimant qu’« une solution doit être trouvée avant la fin de cette année ». C’est cet agenda que réclame le président français qui aimerait bien se prévaloir de la taxe pour la campagne des Européennes.
Cet impôt consisterait en un prélèvement de 3 % sur l’exploitation des données. Dans trois cas : ce serait un pourcentage sur les revenus d’intermédiation des plates-formes (du type Airbnb), un pourcentage des revenus publicitaires, ou un pourcentage des revenus liés à la
revente des données des systèmes embarqués. Selon les calculs de la Commission européenne, la taxe rapporterait au plus 5 milliards d’euros par an pour toute l’union.
« Il y a du progrès. A Sofia, lors de la dernière réunion informelle des ministres ayant mis la taxe au menu des discussions, M. Scholz n’était même pas intervenu en réunion. La il a parlé. Même s’il a aussi insisté sur la nécessité d’avoir un accord international à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) à long terme pour une nouvelle fiscalité de l’Internet », assure une source proche des discussions.
Cinq pays contre cette taxe
Le ministre français de l’économie Bruno le Maire n’est pas venu les mains vides à Vienne mais avec une proposition de « sunset clause » : le nouvel impôt qui, de manière totalement inédite est basé sur les revenus des plates-formes en ligne (et non sur leur profit), serait caduc dès lors qu’au niveau international l’OCDE aura conclu ses travaux. Les Français et la Commission européenne qui a mis en musique leur idée de taxe répètent déjà depuis des mois qu’elle n’a pas vocation à « être temporaire ». Mais l’inscrire noir sur blanc dans un texte législatif rassurerait pas mal de capitales.
Les industriels allemands, notamment les constructeurs automobiles, s’inquiètent de voir leur activité naissante de revente de données bientôt taxées. Berlin redoute aussi de provoquer les Etats Unis avec un impôt visant sans les nommer les géants de l’Internet américains. « Les préoccupations allemandes sont compréhensibles », a jugé Bruno Le Maire samedi. Mais les pays européens doivent tenir compte des attentes des populations qui attendent une taxation plus juste a ajouté le ministre. Il a par ailleurs rejeté l’idée avancée par la Commission pour rassurer Berlin, d’exclure les données embarquées du
champ de la taxe.
La « sunset clause » suffira t-elle a calmer les dernières réticences ? L’unanimité étant requise en matière de fiscalité au niveau européen, rares sont ceux qui se risquent au jeu des pronostics. Mais à ne croire une source proche des discussions, il ne restait plus que cinq pays franchement contre la taxe samedi à l’issue de la réunion viennoise : Malte, la Suède, le Danemark, la Finlande et l’Irlande.