La Suède, un pays européen comme les autres
La Suède, un pays européen comme les autres
Editorial. Si l’extrême droite a échoué à devenir le deuxième parti suédois, le pays est toutefois confronté à la montée du populisme.
Jimmie Akesson, le leader de la formation d’extrême droite Démocrates de Suède, à l’issue des élections législatives, le 9 septembre à Stockholm. / Anders Wiklund / AP
Editorial du « Monde ». Faut-il se réjouir du résultat des élections organisées dimanche 9 septembre en Suède ? A première vue, sans doute. Le cataclysme annoncé par certains sondages ne s’est pas produit : la formation d’extrême droite, les mal nommés Démocrates de Suède, espérait devenir le deuxième, voire le premier parti du pays et visait jusqu’à 25 % des suffrages au terme d’une virulente campagne anti-immigration. A cette aune-là, c’est un échec. Les Démocrates de Suède (Sverigedemokraterna, SD) terminent en troisième position, avec 17,6 % des voix. Le Parti social-démocrate, pilier du système politique suédois, reste le premier parti, avec 28,4 % des voix. Les apparences sont sauves.
C’est bien connu, les apparences sont souvent trompeuses ; ce scrutin suédois ne fait pas exception. La dynamique qui se cache derrière ces chiffres est celle qui est à l’œuvre dans une grande partie des démocraties occidentales : la montée du populisme et de l’extrême droite (les SD progressent de 12,9 % à 17,6 % en quatre ans) et l’affaiblissement des partis de gouvernement traditionnels (les sociaux-démocrates, en baisse de 3 points, font le pire score de leur histoire, les Modérés de centre droit perdent 3,5 points, avec 19,8 %).
Des semaines de tractations laborieuses s’annoncent
En Europe, cette dynamique est plus ou moins aiguë suivant les systèmes électoraux et les spécificités de chaque pays, mais elle transcende désormais les clivages géographiques est-ouest et nord-sud, les clivages économiques entre pays riches et moins riches, ou les clivages culturels parfois évoqués comme celui supposé distinguer les pays à tradition protestante des pays à tradition catholique. La France fait aujourd’hui figure d’exception, après la victoire d’Emmanuel Macron sur Marine Le Pen en 2017 ; mais l’indispensable recomposition politique y est encore en chantier.
Dans le cas de la Suède, cette dynamique, certes amortie par la tempérance scandinave, se traduit par une majorité introuvable au Parlement. Selon des résultats encore provisoires lundi matin, le bloc de gauche dominé par le Parti social-démocrate n’a qu’un siège de plus (144 députés) que le bloc de droite (143 députés), loin de la majorité absolue de 175 sièges. Avec 62 sièges, les SD sont en position d’arbitre, mais, aucune des deux alliances ne voulant gouverner avec eux, des semaines de tractations laborieuses s’annoncent entre les deux blocs pour parvenir à une coalition viable. Le gouvernement sortant du premier ministre Stefan Löfven survivra difficilement à l’épreuve.
Qu’est-il arrivé à la Suède, phare de la social-démocratie, paradis de l’Etat-providence et symbole de la tolérance ? L’explication la plus simple porte inévitablement sur la crise des réfugiés de 2015, qui a brutalement porté à 20 % la proportion d’étrangers au sein d’une population traditionnellement ouverte et accueillante. C’est incontestablement un facteur de la montée de l’extrême droite, mais ce n’est pas le seul. La Norvège voisine, avec 15 % d’étrangers, est arrivée à freiner la progression de l’extrême droite.
L’idéalisme suédois s’est heurté au choc de la mondialisation, face auquel le Parti social-démocrate s’est essoufflé, incapable de trouver les réponses à l’insécurité et à la crise d’identité qui en découlaient chez ses électeurs. Finalement, comme le soulignait l’ancien premier ministre Carl Bildt sur Twitter lundi matin, la Suède est devenue un pays européen comme un autre.