Le président angolais, Joao Lourenço, à Berlin, le 22 août 2018. / Hannibal Hanschke / REUTERS

Il ne lui manquait plus que le parti, dernière poche de l’influence en voie d’extinction de José Eduardo dos Santos. Le président angolais, Joao Lourenço, a été élu, samedi 8 septembre, à la tête du puissant parti-Etat, le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), avec plus de 98 % des voix. Tout comme à la présidence de la République après son élection en août 2017, il succède à l’ancien « camarade numéro un », José Eduardo dos Santos, qui a dirigé le pays et le parti durant trente-huit ans.

Samedi, lors de son discours devant le gotha du parti réuni en congrès extraordinaire, l’ancien président, âgé de 76 ans, a convoqué le passé, égrenant les grandes phases de l’histoire récente du pays, de l’indépendance en 1975 à la fin de la guerre en 2002, puis la réconciliation nationale. En écho, Joao Lourenço a fustigé « le népotisme » et « l’impunité », pointant peut-être, sans le citer, son prédécesseur. Et de rappeler l’une de ses priorités, qui l’a rendu si populaire dans son pays comme à l’étranger : la lutte contre la corruption, y compris à l’intérieur du MPLA, comme il a tenu à le préciser.

C’est un virage crucial pour le parti et pour le chef de l’Etat, qui dispose désormais de tous les leviers du pouvoir, ce qui renforce son autorité et l’expose d’autant plus aux critiques. A 64 ans, cet apparatchik du MPLA, général à la retraite et ancien ministre de la défense, devient le seul et unique responsable.

Le clan Dos Santos écarté des affaires

« Cette transition pacifique au sein du MPLA marque une étape importante dans le processus de consolidation du régime de Joao Lourenço et contrecarre de manière décisive le dessein de Dos Santos de garder certains leviers de contrôle sur son successeur, souligne Ricardo Soares de Oliveira, professeur à Oxford. Depuis l’automne 2017, Lourenço a marginalisé Dos Santos en démettant rapidement ses enfants des fonctions stratégiques qu’ils occupaient. Et le chef de l’Etat a obtenu la loyauté de presque tous les fidèles de Dos Santos, qui n’a pas pu être un obstacle politique ni peser sur les grandes décisions. »

Le président Lourenço a effectivement écarté brutalement des affaires une grande partie du clan dos Santos. A commencer par la fille de l’ancien dirigeant, Isabel, remplacée à la tête de la compagnie pétrolière nationale, Sonangol, par Carlos Saturnino, qu’elle avait limogée fin 2016. La femme la plus riche d’Afrique est visée par une enquête judiciaire ouverte sur sa gestion de la firme et des soupçons de détournements de fonds, dont elle se défend.

Puis, en janvier, son frère José Filomeno do Santos a été démis de ses fonctions de directeur du Fonds souverain angolais, doté de 5 milliards de dollars (4,3 milliards d’euros) en partie gérés dans l’opacité par l’un de ses amis, un Suisse adepte des paradis fiscaux, comme l’ont révélé les « Paradise Papers ».

Ces évictions ont surpris par leur rapidité et l’audace nécessaire pour s’attaquer directement aux intérêts du puissant clan dos Santos, dont la richesse se compte en milliards de dollars. Une manière de faire révélatrice de la détermination du président à lutter contre la corruption tout en écartant un clan potentiellement nuisible, et qui a été saluée par le peuple angolais mais aussi par les partenaires étrangers.

Pas de « miracle économique »

Toutefois, cette purge reste sélective. Ainsi Joao Lourenço a-t-il épargné et protégé l’ancien vice-président angolais et ex-patron de la Sonangol, Manuel Vicente, recyclé malgré les accusations de corruption d’un procureur portugais comme conseiller d’un nouveau chef de l’Etat qui n’a pas hésité a qualifié cette procédure judiciaire d’« insulte » à l’Angola.

« Lourenço a gagné une grande popularité en s’attaquant aux intérêts de la famille Dos Santos. Mais, un an plus tard, ces mesures anti-corruption ressemblent plus à une vendetta politique, constate le chercheur Ricardo Soares de Oliveira. De nombreux hommes politiques accusés de corruption ont été protégés ou tolérés par le nouveau chef de l’Etat. Maintenant que José Eduardo dos Santos a quitté la direction du MPLA, Lourenço devra élargir et approfondir la répression, ce à quoi il s’est engagé dans son discours du 8 septembre. »

Le nouveau chef de l’Etat hérite d’un pays qui traverse l’une des pires crises économiques depuis la fin de la guerre en 2002. Le deuxième producteur de pétrole d’Afrique a subi de plein fouet la chute des cours du baril, dont il tire 70 % de ses recettes fiscales. Huit mois après son élection, Joao Lourenço n’est pas parvenu à amorcer le « miracle économique » promis durant sa campagne électorale de 2017. La production pétrolière est ralentie et l’indispensable diversification économique n’a pas vraiment démarré.

Malgré la mise en place de réformes, la devise angolaise poursuit sa dépréciation (près de 40 %) et l’inflation, qui a dépassé les 24 %, n’est pas contenue. « Economiquement, c’est la Bérézina, explique un homme d’affaires angolais. Il y a encore peu d’investissements et, au sein de l’élite de Luanda, les affaires sont à l’arrêt. La monnaie se déprécie de près de 1 % par semaine. On ne voit pas de changement concret pour l’instant, mais une situation qui empire. » Luanda s’est tourné, fin août, vers le Fonds monétaire international (FMI) pour solliciter un prêt de 4,5 milliards de dollars et, début septembre à Pékin, le président Lourenço a exhorté la Chine – envers qui la dette de l’Angola s’élève à 23 milliards de dollars – à augmenter ses investissements.