LES CHOIX DE LA MATINALE

Cette semaine, on retrouve un amuseur public rongé par un drame familial, on découvre l’adaptation (trop ?) française de la série The Fall, sur TF1, et on se réjouit du retour de The Deuce, qui nous replonge dans le New York interlope de la 42e Rue à la fin des années 1970.

« Kidding », une comédie sérieusement noire

Kidding (2018) | Official Trailer | Jim Carrey SHOWTIME Series
Durée : 02:21

On les retrouve sur le plateau d’une série près de quinze ans après la belle réussite d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind (2004) : Michel Gondry derrière la caméra, pour la réalisation de six des dix épisodes de Kidding, et Jim Carrey face caméra, incarnant cette fois « Mr. Pickles », le gentil animateur d’une très populaire émission de télévision pour enfants.

Figure publique, l’amuseur Mr. Pickles arbore une mine ravie. Mais sorti du studio de télévision, il n’est plus que Jeff, un homme qui se veut à tout prix optimiste et que l’on pressent gagné par le vide, après la mort de l’un de ses jumeaux adolescents, l’année précédente. Malgré ses efforts, Jeff ne parvient pas à ajuster le monde dans lequel il vit à celui dont il rêve ; il souffre d’une confusion que Gondry et Carrey rendent chacun perceptible.

Kidding évolue ainsi sur un fil ténu : celui qui lie le ridicule d’un père endeuillé habillé en amuseur à l’introspection de l’homme qu’il est, hanté par une angoisse existentielle. Pour autant, la série n’a rien d’un one-man-show : son créateur, Dave Holstein (I’m Dying Up Here, Raising Hope, Weeds), a entouré Mr. Pickles de personnages qui, eux aussi, à leur manière, cherchent à survivre. Impossible de deviner vers quel horizon ils cheminent, mais il semble bien qu’ils vont être contraints, comme Jeff, de trouver les mots pour cerner ce dont leur mal-être est fait. Martine Delahaye

Kidding, série créée par Dave Holstein. Avec Jim Carrey, Frank Langella, Judy Greer, Catherine Keener (E.-U., 2018, 10 x 30 min). Disponible depuis le lundi 10 septembre sur MyCanal. Diffusion d’un épisode par semaine sur Canal+Séries, le mardi à 22 h40, à partir du 11 septembre.

« Insoupçonnable », une série d’un genre nouveau pour TF1

BA TF1 2018 ÉVÉNEMENT : Insoupçonnable avec Blandine Bellavoir et Patrick Chesnais 13 09 2018
Durée : 00:43

On avait sans doute trop apprécié les qualités de The Fall, série créée par le Britannique Allan Cubitt en 2013 (trois saisons, disponibles sur Netflix), pour ne pas détecter, dès les premières scènes d’Insoupçonnable, ce qui distingue si souvent l’écriture, le jeu et la mise en scène de séries britanniques de leurs homologues françaises. Comparez par vous-mêmes, The Fall d’un côté, Insoupçonnable (sur TF1) de l’autre : dès la première apparition de Gillian Anderson d’une part – en pyjama défraîchi, dans une chambre qui ne ressemble pas à celle d’un magazine –, d’Emmanuelle Seigner de l’autre – qui, en peignoir de satin, se met du rouge à lèvres avant même de s’habiller –, le ton est donné.

On ne peut pas dire que l’adaptation de Virginie Brac, qui compte parmi les meilleures scénaristes de télévision (Engrenages, Les Beaux Mecs, Paris, Cannabis) se soit beaucoup éloignée de la série originale. Ni qu’Insoupçonnable soit à l’image de nombre des séries françaises déplorables que diffuse TF1. Mais une somme de détails, outre le jeu d’Emmanuelle Seigner, ne nous ont pas incités à suivre cette série jusqu’à son terme.

Il s’agit ici d’un type d’intrigue à la Columbo – où l’on découvre comment le criminel va être démasqué, et non qui il est. Insoupçonnable met en scène une criminologue, le commandant Chloé Fisher, et un psychologue, Paul Brodsky (Melvil Poupaud), père de famille aimant et serial killer accompli. Le tout se déroulant non plus à Belfast mais à Lyon, où le commandant Fisher est dépêchée depuis Paris après le meurtre d’Alice Moreau, belle-fille du puissant député local Damien Moreau (Patrick Chesnais). M. De.

Insoupçonnable, série adaptée par Virginie Brac à partir de The Fall, d’Allan Cubitt. Avec Emmanuelle Seigner, Melvil Poupaud (Fr., 2018, 10 x 50 min). Le jeudi à partir du 13 septembre sur TF1 à 21 h 00 (2 épisodes par soirée).

« The Deuce », cinq ans après

THE DEUCE Saison 2 Bande Annonce (2018)
Durée : 01:27

Cinq ans ont passé sur la « Deuce », ou « Forty Deuce », cette 42e Rue qui, au tournant des années 1970, était l’épicentre du stupre new-yorkais – prostitution, pornographie, drogue – dans le cadre, décati au possible, excitant mais dangereux, de la ville à l’époque. Entre-temps, la pornographie s’est considérablement développée et l’on retrouve Eileen (Maggie Gyllenhaal), passée du trottoir à la réalisation, qui tente de porter un regard nouveau sur ce genre devenu public. Désormais, ce ne sont plus tant les prostituées qui tournent que des actrices décidées à trouver non un souteneur, mais un agent. Dans les quatre premiers épisodes de la saison 2 de The Deuce que nous avons pu visionner, on retrouve l’extraordinaire évocation du quartier dont les trottoirs jonchés de détritus, les vitrines de sex-shops, les marquises illuminées de salles de cinéma, les dîners enfumés aux sièges de moleskine poisseuse ont l’air d’être restitués dans un jus seventies plus vrai que nature. La formidable distribution est dominée par Maggie Gyllenhaal, sexy et lasse, et James Franco, qui interprète les rôles de frères jumeaux sans en faire un « numéro d’acteur ». Renaud Machart

The Deuce, saison 2, série créée par David Simon et George Pelecanos. Avec Maggie Gyllenhaal, James Franco, Margarita Levieva, Emily Meade, Gary Carr, Lawrence Gilliard, Jr., Gbenga Akinnagbe, Michael Rispoli (US., 2018, 9 x 60 min.). OCS GO à la demande.