L’avis du « Monde » – on peut éviter

Sans doute n’avons-nous pas connu errements cinématographiques plus spectaculaires que ceux de Wim Wenders. Le cinéaste, inégal mais célébré, capable de beaux films, alterne depuis des années fictions insipides et documentaires sans âme, comme s’il s’était depuis longtemps mis à la retraite mais avait oublié d’arrêter de faire des films. L’occasion d’étoffer superficiellement sa filmographie était toute trouvée avec ce film de commande à la gloire du pape François et, nous dit-on, co-réalisé avec le Vatican. De quoi nous faire douter que le réalisateur de cet encart publicitaire et de L’Ami américain (1977) puisse être le même homme.

Le Vatican a certainement voulu redorer voire moderniser son image en s’offrant un cinéaste de renom

Avec Le pape François, un homme de parole, le Vatican a certainement voulu redorer voire moderniser son image en s’offrant un cinéaste de renom. Quant à Wenders, il a pu croire qu’il était encore possible de faire œuvre d’auteur tout en assurant l’œuvre de propagande.
Car s’il est comme absent de son propre film, ou du moins là comme simple technicien de luxe, Wenders nous assure pourtant de sa présence, déposant ponctuellement sa voix sur les images pour débiter des banalités sur la condition humaine, l’état du monde, la vie de saint François d’Assise (reconstituée dans des séquences dispensables en noir et blanc) avant de redonner toute la place au héros de son film.

Pendant une heure et demie, le cinéaste s’entretient avec le pape François et le suit dans ses déplacements, prêchant la bonne parole au Congrès américain, dans des camps de migrants ou des bidonvilles, se recueillant aux quatre coins du monde, à Yad Vashem ou encore à Auschwitz. Il faut le dire, Jorge Mario Bergoglio, de son vrai nom, nous apparaît tour à tour sympathique, spirituel, d’une compassion et d’une humilité qui confinent au respect – en cela, la publicité est assurée et l’homme est dans son rôle.

Evidente partialité

C’était évidemment sans compter les dernières révélations qui ne manqueront pas d’exacerber l’évidente partialité à l’œuvre dans le documentaire : si le pape n’a pas de mots assez durs pour condamner les actes de pédophilie au sein de l’Eglise catholique, ce geste de contrition a été immédiatement suivi par les révélations d’un ancien diplomate du Vatican révélant que l’évêque de Rome a couvert les dérives sexuelles d’un cardinal quelques mois seulement après son élection. A cela s’ajoutent ses propos polémiques sur les homosexuels et la psychiatrie qui ébrèchent définitivement l’image d’un pape résolument progressiste que tente de nous marteler le documentaire.

Ces dernières affaires agissent comme un retour du refoulé impossible à contenir et ne manqueront pas de s’interposer entre le spectateur et sa vision du film. Gageons pourtant que Le pape François, un homme de parole, trouvera son public au sein d’une partie de la communauté catholique. Le document, dont Wim Wenders n’est ici qu’un rouage, qu’une signature qu’on achète, ne prétend pas à autre chose qu’à prêcher une niche de convaincus et s’assure ainsi de remplir convenablement les salles.

Le Pape François : Un Homme De Parole / Bande-Annonce Officielle VOST [Au cinéma le 12 Septembre]
Durée : 01:30

Documentaire allemand, français, italien et suisse de Wim Wenders (1 h 36). Sur le Web : fr.universalpictures.com/micro/pope-francis, focusfeatures.com/pope-francis-a-man-of-his-word et www.facebook.com/ThePopeMovie