Coupe Davis : la saga Noah fonctionne toujours
Coupe Davis : la saga Noah fonctionne toujours
Par Alexandre Pedro (envoyé spécial à Villeuve d'Ascq)
Inspiré dans ses choix et très proche de ses joueurs, le capitaine de l’équipe de France a vécu un week-end parfait à Villeneuve-d’Ascq face à l’Espagne. En restant fidèle à son personnage.
« Je suis si vieux que ça ? » Quand son entraîneur, Patrice Hagelauer, évoque, en 1991, la possibilité de s’asseoir sur la chaise de l’équipe de France de Coupe Davis, Yannick Noah, 30 ans, n’a pas encore fait totalement le deuil de sa carrière de joueur, même s’il a entamé celle de chanteur. Vingt-huit ans et trois mandats à la tête des équipes de France plus tard (entrecoupés de quelques disques d’or), « capitaine Noah » pourrait achever son idylle avec la compétition comme elle avait commencé : en soulevant le Saladier d’argent cher à Dwight Davis.
Au stade Pierre-Mauroy de Villeneuve-d’Ascq (Nord), son plan s’est déroulé sans accroc pour remporter la demi-finale face à l’Espagne en deux jours et trois matchs (3-0). Samedi 15 septembre, contre la paire Lopez-Granolers, les « vieux » Julien Benneteau et Nicolas Mahut (36 ans) ont terminé le travail (6-0, 6-4, 7-6) entamé la veille par Benoît Paire et Lucas Pouille, tous deux vainqueurs de leurs matchs respectifs en simple.
Monstre de charisme
Pas réputé pour être le plus grand suiveur du circuit ATP, Noah fonctionne à l’intuition, « aux vibrations » dit-il souvent. Le passé parle pour lui. Qui d’autre aurait gardé une confiance aveugle à un Henri Leconte, tombé dans les profondeurs du classement et donné perdu pour le tennis après une opération au dos, pour la finale de 1991 ?
Benoît Paire n’a peut-être pas battu Pete Sampras, mais la victoire, vendredi, de l’enfant terrible du tennis français contre Pablo Carreno Busta est aussi celle de son capitaine. « Benoît, les gens sont déçus, tu n’as pas cassé de raquettes, tu as gagné », a taquiné Noah devant les journalistes.
A 58 ans, le vainqueur de Roland-Garros 1983 reste ce monstre de charisme, souvent désarçonnant pour ses interlocuteurs et capable d’offrir quelques moments lunaires. Et dans le genre, sa conférence de presse ce samedi a été un condensé du personnage. Il suffit de voir le sourire mi-gêné mi-amusé de Nicolas Mahut quand son capitaine a expliqué - en prévision des festivités de la nuit - qu’il commençait « à se détendre des hanches » comme un danseur.
Mais le plus étonnant était de voir sa proximité avec Julien Benneteau. Il y a encore quelques mois, le Bressan n’avait pas fini de digérer sa non-sélection surprise de dernière minute pour la finale contre la Belgique en 2017.
On pensait les deux hommes fâchés, mais c’est bien Noah qui a convaincu le tout frais retraité de différer encore un peu son pot de départ pour palier le forfait de Pierre-Hugues Herbert. Au point d’envisager de le sélectionner à nouveau pour la finale, du 23 au 25 novembre. « Julien, tu as mon RIB pour la finale », lançait-il à son joueur qui ne savait plus trop sur quel pied danser.
Un capitaine « béni »
Si la chance a beaucoup à voir dans ce parcours quasiment parfait depuis deux ans, la France ayant joué la plupart de ses adversaires les plus dangereux sans leur numéro 1 (le Britannique Andy Murray, le Serbe Novak Djokovic, le Japonais Kei Nishikori, le Canadien Milos Raonic, le Tchèque Tomas Berdych, l’Espagnol Rafael Nadal), Yannick Noah a eu tout bon sur ses choix face aux Espagnols, mais aussi sur sa relation avec ses joueurs. A ses côtés, l’impulsif Benoît Paire serait passé pour un bonze décoloré.
Avec Lucas Pouille, ses mots ont réussi à porter pour sortir un joueur fâché avec sa confiance ces derniers mois. Sans que la question lui soit posée, le Nordiste saluait d’ailleurs sa relation avec son capitaine lors de sa victoire aux forceps face à Roberto Bautista Agut, vendredi. « Je pense que c’est le match le plus accompli qu’on a fait tous les deux. Il y a eu des moments où c’était un peu plus compliqué, j’étais un peu froid sur le banc, donc il ne savait pas trop quoi dire. Là, on a réussi vraiment à communiquer, à rester ensemble tout au long du match et je pense que c’est très important. »
Capitaine victorieux des campagnes de 1991, 1996 et 2017, Yannick Noah savoure sa chance. « Je suis tellement béni d’être le capitaine de cette équipe », a-t-il lâché, la voix marquée par l’émotion. « Je pense que c’est le meilleur tennis qu’on ait joué ensemble. On sait que cette année est une année particulière », admet celui qui vit sa dernière campagne sur la chaise.
Avec cette quatrième finale, Noah a l’occasion de rejoindre au palmarès l’Australien Neal Fraser et le Croate Niki Pilic (quatre victoires). S’il attend de connaître l’identité de son adversaire (la Croatie mène 2-1 face aux Etats-Unis), il a déjà prévu de faire appel « aux sorciers ». Et d’ajouter : « J’en connais des très bons ». Paroles d’un capitaine invaincu en trois finales.