Neutralité du Net : la fronde de la Californie contre le régulateur américain des télécoms
Neutralité du Net : la fronde de la Californie contre le régulateur américain des télécoms
Par Alexandre Berteau
L’Etat californien pourrait rétablir le principe de neutralité du Net abrogé en juin par l’administration Trump.
Ajit Pai, président de la Commission fédérale des communications, le 17 mai à Washington. / WIN MCNAMEE / AFP
La Californie n’entend pas se plier à la fin de la neutralité du Net, et tient à le faire savoir. Le 31 août, l’Assemblée californienne a approuvé un projet de loi visant à rétablir, et même renforcer, ce principe aboli en juin à l’initiative de la Maison Blanche. Instaurée en 2015 par l’administration Obama, la neutralité du Net interdisait jusque-là aux opérateurs de télécommunications de brider le trafic de certaines plateformes très consommatrices de bande passante – comme YouTube et Netflix – ou de faire payer davantage leurs utilisateurs.
Vendredi 14 septembre, la tension est montée d’un cran entre l’Etat californien et la Commission fédérale des communications (FCC), le régulateur des télécoms ayant voté l’abrogation de la neutralité du Net. Dans un discours prononcé devant les membres d’un think tank, le président de la FCC, Ajit Pai, a qualifié « d’illégale » la loi californienne prévoyant de restaurer ce principe. « Internet est un service qui dépasse les frontières d’un Etat américain. Il s’en suit que le gouvernement fédéral est le seul à pouvoir légiférer dans ce domaine », a martelé ce républicain nommé par Donald Trump.
Menace de poursuites judiciaires
Avant d’entrer en vigueur, « SB 822 », comme on désigne ce projet de loi, doit encore être signé par le gouverneur de Californie, Jerry Brown. Une étape qu’Ajit Pai n’a pas attendue pour laisser planer la menace de poursuites judiciaires.
Cette passe d’armes s’est ensuite poursuivie sur Twitter, où le sénateur démocrate à l’origine du projet de loi, Scott Wiener, n’a pas tardé à réagir aux propos du président de la FCC. « Le SB 822 est nécessaire et légal car Ajit Pai a renoncé à sa responsabilité de garantir un Internet ouvert. Contrairement à la FCC de Pai, la Californie n’est pas gérée par les grandes firmes des télécommunications », a-t-il fustigé.
Scott Wiener n’a pas manqué de rappeler un épisode douloureux pour les pourfendeurs de la neutralité du Net. Fin août, les sapeurs-pompiers du nord de la Californie ont vu leur connexion ralentie par l’opérateur Verizon, alors même qu’ils tentaient de vaincre le plus vaste incendie jamais connu dans leur Etat. « Ajit Pai n’a rien dit et n’a rien fait. Ce silence en dit bien plus que ses paroles aujourd’hui », a déploré le sénateur, bien que le lien entre cet incident et la fin de la neutralité du Net soit difficile à établir.
Une vingtaine d’Etats mobilisés contre la FCC
Les fournisseurs d’accès américains (AT&T, Verizon, T-Mobile, Sprint) réclament de longue date l’abrogation de la neutralité du Net. En les autorisant à faire payer davantage les consommateurs gourmands en données, cette mesure leur permettrait selon eux d’investir dans leurs infrastructures et d’améliorer la qualité du réseau. De leur côté, les défenseurs de ce principe fondateur d’Internet plaident qu’il garantit un accès égalitaire au trafic, tant pour les internautes que les entreprises.
La Californie n’est pas isolée dans cette fronde contre la FCC. Avant elle, l’Etat de Washington, le Vermont et l’Oregon ont eux aussi légiféré pour protéger la neutralité du Net. Le 20 août, les procureurs généraux de 23 Etats américains ont déposé plainte contre le régulateur devant les cours d’appel du pays. Mais la Californie dispose d’un soutien de taille : elle abrite la Silicon Valley, où nombre de géants du Web comme Facebook, Google, Twitter, Netflix ou Amazon sont montés au créneau contre la mise à mal de l’Internet ouvert dont ils ont profité.