Kurô Tanino, humour et surréalisme à la japonaise
Kurô Tanino, humour et surréalisme à la japonaise
Par Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance)
Dans le cadre du 47e Festival d’automne de Paris, le facétieux artiste transdisciplinaire présente deux spectacles au T2G-Théâtre de Gennevilliers (Hauts-de-Seine) : « The Dark Master » (du 20 au 24 septembre) et « Avidya-L’Auberge de l’obscurité » (du 25 au 29 septembre).
Peintre, auteur, metteur en scène et psychiatre. C’est peu de dire que Kurô Tanino a plusieurs facettes qu’il relie immanquablement à la scène, terrain d’expression privilégié de ce natif de Toyama, sur la mer du Japon, qui se joue de l’humour, flirte avec le surréalisme et explore parfois les tréfonds de la psyché japonaise. Ainsi, dans The Dark Master et Avidya-L’Auberge de l’obscurité, les deux spectacles présentés dans le cadre du Festival d’automne.
Né en 1976, Kurô Tanino occupe ses premières années à s’immerger dans l’univers du dessin et de la peinture, sa « première forme de jeu », qu’il expérimente jusqu’à l’obsession et qui l’amène à présenter des œuvres à tous les concours.
Le jeune garçon est aussi un farceur. Un jour de forte pluie, il ressent « une atmosphère de guerre ». Il convainc ses camarades de se mettre nus et de simuler une charge d’infanterie sous le déluge, les parapluies en guise de fusils. « Comme nos pénis étaient à l’air libre, on m’a surnommé “Penino”. » Il a gardé le sobriquet pour le nom de sa compagnie, Niwa Gekidan Penino. « Je considère toujours que les farces font partie de mon processus créatif. »
Juro Kara et Marcel Duchamp
Le choix de la psychiatrie est plus prosaïque. Il fallait bien manger et le jeune Kurô, fils de médecin, choisit donc la médecine. « Le fait que je choisisse une profession qui aille tant à l’encontre de ma nature prouve à quel point je suis fou », déclarait-il en 2011 dans un entretien donné à la Fondation du Japon. C’est pourtant à l’université qu’il crée sa compagnie et se lance vraiment dans le théâtre, rompant par là même avec la peinture, devenue trop oppressante.
Pour le style, il se dit très marqué par les créations de Juro Kara, l’un des chefs de file de l’angura, le « théâtre underground » qui bouleversa la scène nippone dès la fin des années 1950. Il sent alors qu’un texte n’est pas forcément nécessaire pour créer une pièce, si bien qu’il fonctionne plutôt avec des story-boards, ce qui peut donner à ses créations une « saveur désordonnée touchant au surréalisme », déclare Kyoko Iwaki, de la Fondation du Japon.
Méticuleux et curieux, Kurô Tanino va jusqu’à transformer son appartement en un théâtre baptisé « Hakobune » (« arche »). « Je me suis rappelé comment Marcel Duchamp avait fabriqué des modèles miniatures de ses œuvres, qu’il pouvait transporter avec lui. J’ai voulu créer quelque chose me permettant d’embrasser d’un regard tous les aspects de mon travail. »
Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec le Festival d’automne à Paris.