« La Nonne » : frissons faciles aux portes de l’enfer
« La Nonne » : frissons faciles aux portes de l’enfer
Par Jean-François Rauger
Le film de Corin Hardy ne propose qu’une succession mécanique d’effets destinés à faire sursauter.
Bourgeon filmique éclos sur la saga horrifique des Conjuring, La Nonne vient de remporter un spectaculaire succès au box-office, aux Etats-Unis (54 millions de dollars dès le premier week-end de sa sortie, pour un budget de 22 millions). Le film est hélas représentatif de tout ce qu’a aujourd’hui de stérile un certain cinéma de genre, cyniquement fabriqué en série et dépourvu de toute véritable profondeur ou nécessité.
1952. Après le suicide d’une jeune nonne retrouvée pendue dans une abbaye en Roumanie, le Vatican envoie un prêtre et une jeune novice pour enquêter sur les circonstances d’un tel geste. A peine arrivés sur les lieux et aidés par l’homme qui a découvert le corps (un Québécois égaré surnommé « Frenchie » !), ils sont assaillis de visions horribles et d’apparitions hideuses, hantés par des cauchemars angoissants, traqués par des entités surnaturelles, malmenés par d’invisibles forces.
Plongés au cœur d’un univers presque intégralement numérique, ils devront, au terme d’un jeu de l’oie passablement incompréhensible, affronter un démon (qui a pris l’apparence d’une nonne spectrale) et refermer la porte de l’enfer qui, justement, se trouvait dans les sous-sols de l’abbaye. Tout cela grâce – si l’on comprend bien, ce qui n’est pas garanti – à la possession d’une clé mystérieuse et d’un récipient contenant le sang du Christ.
Ce que les producteurs d’un tel film ont oublié, c’est que la terreur au cinéma se construit sur ce qui, ici, fait cruellement défaut : des situations et des personnages. Le film n’est en effet, dès ses premières minutes, qu’une succession de trucs et d’effets destinés à faire sursauter mécaniquement le spectateur, sans qu’il puisse comprendre pourquoi et à quelles fins.
Le film s’enfonce dans la gratuité
Les rares éléments caractérisant les protagonistes (une éventuelle culpabilité du prêtre venue du passé, les visions de la novice), les rares questions morales à peine effleurées (l’insolubilité du suicide dans le catholicisme) ne servent jamais à nourrir une quelconque logique, une relative réflexion, et sont jetés immédiatement aux poubelles des causalités perdues.
Multipliant les événements qui ne sont pas exploités par la suite (pourquoi la jeune novice se fait-elle graver un pentacle à l’épaule ?), le film s’enfonce dans la gratuité. La Nonne fait parfois mine d’exposer les potentialités d’un récit et d’une psychologie qui tournent systématiquement court. Certes, l’épouvante cinématographique peut n’être l’allégorie de rien et se défier absolument de toute psychologie. Mais, pour cela, pour provoquer le frisson sensoriel de la gratuité pure, il faudrait le talent d’un Lucio Fulci (L’Enfer des zombies), cinéaste que le film plagie parfois sans retrouver sa capacité à engendrer, avec de pures visions d’horreur, une transe quasi médiumnique.
La Nonne - Bande Annonce Officielle (VF) - Demian Bichir / Taissa Farmiga
Durée : 01:38
Film américain de Corin Hardy. Avec Taissa Farmiga, Demian Bichir (1 h 37). Sur le Web : www.facebook.com/LaNonneFR et www.thenunmovie.com