En l’absence de Teddy Riner, le judo français mise sur la jeunesse aux Mondiaux
En l’absence de Teddy Riner, le judo français mise sur la jeunesse aux Mondiaux
Par Anthony Hernandez
Le décuple champion du monde a décidé de faire l’impasse sur les championnats du monde. La jeune génération tentera de se révéler à Bakou à partir du 20 septembre.
Alpha Djalo, ici à Tel-Aviv le 27 avril, est l’un des nouveaux visages de l’équipe de France masculine de judo. / JACK GUEZ / AFP
L’année 2017 a été bien remplie pour Teddy Riner, qui a remporté ses 9e et 10e titres de champion du monde, performance inégalée jusqu’alors. Le colosse du judo français, qui visera un troisième titre olympique à Tokyo en 2020, a bien mérité un peu de repos. Il a décidé de faire l’impasse sur les Mondiaux qui débutent le 20 septembre à Bakou (Azerbaïdjan). Son absence laisse forcément un grand vide, particulièrement au sein de l’équipe de France masculine.
Alors que l’équipe féminine peut s’appuyer sur des médaillées olympiques, mondiales ou européennes en pagaille – Priscilla Gneto, Audrey Tcheuméo, Amandine Buchard, Hélène Receveaux, Clarisse Agbegnenou, Marie-Eve Gahié et Madeleine Malonga – le collectif des hommes ne compte, lui, que trois judokas à avoir connu la joie d’un podium international au plus haut niveau : Cyrille Maret (en bronze aux JO de Rio et deux fois vice-champion d’Europe), Alexandre Iddir (3e des championnats d’Europe) et Axel Clerget (vice-champion d’Europe).
« Sur les neuf garçons sélectionnés, ils sont cinq à avoir entre 20 et 23 ans [Daniel Jean, Luka Mkheidze, Benjamin Axus, Alpha Djalo et Aurélien Diesse]. Ils n’étaient bien sûr pas inconnus mais ils sont en train d’éclore. Il faut leur faire passer un cap supplémentaire. Ils ont prouvé qu’ils pouvaient être au niveau par moments, maintenant, ils doivent être réguliers. Cela prend du temps, explique le directeur des équipes de France, Stéphane Traineau. Sur le papier, les chances de médailles sont beaucoup plus importantes chez les féminines, où l’équipe est plus mature, avec des athlètes pour certaines déjà médaillées aux JO de Londres en 2012. Tout est question de cycles. »
Le risque de zéro médaille pour les hommes
Pour ces nouveaux venus, la pression sera au rendez-vous. Malgré la présence du très expérimenté Cyrille Maret, la menace de ne ramener aucune médaille masculine de Bakou plane forcément. Le responsable de l’équipe de France masculine, Franck Chambily, ne s’en cache pas. « Zéro médaille, bien sûr que c’est possible. L’an passé, si Teddy n’est pas là, on fait zéro médaille. Tout le monde est conscient de ça mais ça ne doit pas nous empêcher de faire les efforts sur l’état d’esprit. Si l’état d’esprit nécessaire est présent, on fera des résultats. Ce qui compte le plus, c’est de réfléchir à la manière d’aller chercher une médaille », confie l’entraîneur fétiche de Teddy Riner.
A tout juste 22 ans, Alpha Djalo (− 81 kg) disputera ses premiers Mondiaux, sa deuxième grande compétition internationale chez les seniors après les championnats d’Europe, où il avait pris la 7e place à Tel-Aviv en avril. « Il est très tonique, pas très grand pour sa catégorie mais très explosif. Il excelle dans les mouvements d’épaules grâce à sa capacité à passer vite en dessous. Il lui reste à avancer sur sa stratégie de combat et sa confiance en lui », confie Stéphane Traineau.
TIJM 2015 - Ippon - Diesse (FRANCE) - Gilli (OJNice)
Durée : 00:50
Le jeune homme s’est révélé en début d’année lors du Grand Slam de Düsseldorf, l’un des tournois les plus importants du judo mondial. Il s’était hissé en finale en battant certains des meilleurs combattants de sa catégorie.
« Les attentes sont fixées sur les féminines. Notre équipe masculine est très renouvelée, il reste donc du travail à fournir mais nous sommes déterminés à montrer de belles choses, reconnaît celui qui a débuté le judo à l’âge de 3 ans et demi au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis), J’aborde sereinement ces Mondiaux. Je veux prendre du plaisir et faire une bonne prestation. Quel que soit le niveau, le judo consiste toujours à monter sur un tapis et battre son adversaire. »
« Du temps et de l’abnégation »
Le cadet de l’équipe a 20 ans, s’appelle Aurélien Diesse et est originaire de Bondy (Seine-Saint-Denis) comme Kylian Mbappé et sa coéquipière judoka championne du monde, Audrey Tcheuméo. En 2017, il a été sacré champion d’Europe junior en moins de 90 kg. Depuis, il s’est blessé au genou et a connu plusieurs pépins physiques.
« Aurélien revient d’une blessure. C’est un jeune chien fou, au bon sens du terme. Il lâche les chevaux. Tout n’est pas encore bien maîtrisé mais il possède une énergie incroyable qui peut faire la différence », juge Stéphane Traineau.
Malgré son statut de néophyte, le Francilien n’est pas impressionné, au contraire : « Je veux profiter du fait d’être outsider afin de créer la surprise. J’aime cette position, l’idée de faire tomber les plus grands m’excite. J’ai envie d’emmerder le monde. Lors des derniers Mondiaux, il y a eu beaucoup de surprises. Je vais me donner à 100 % et j’espère que ce maximum me vaudra une médaille ou même un titre. »
Cette nouvelle vague, complétée par Benjamin Axus, Luka Mkheidze et Daniel Jean, peut compter sur Teddy Riner. Le champion tricolore est impliqué dans le groupe olympique avant les Jeux de Tokyo en 2020.
« Lors de notre grande réunion, Teddy a eu une prise de parole forte, pas pour dire aux jeunes “je vais vous montrer ce qu’il faut faire”. Non, pour leur dire “allez, on y va ensemble, engagez-vous”. C’est crucial car la génération Star Academy, ça ne marche pas en sport. Il faut du temps et de l’abnégation », confie Stéphane Traineau.
Le double champion olympique fera d’ailleurs le déplacement dans le Caucase pour encourager ses jeunes camarades. La figure tutélaire du héros n’est pas jamais très loin.