Le patron de Danske Bank démissionne
Le patron de Danske Bank démissionne
Par Anne-Françoise Hivert (Malmö (Suède), correspondante régionale)
La première banque danoise est embourbée dans un gigantesque scandale de blanchiment d’argent en Estonie entre 2007 et 2015.
Sa position était devenue intenable après les révélations récentes indiquant qu’il avait été alerté dès octobre 2013, soit un mois après sa nomination à la tête de la première banque danoise, au sujet du niveau « anormalement élevé » des flux d’argent transitant par la filiale estonienne de Danske Bank. Mercredi 19 septembre, le Norvégien Thomas Borgen a annoncé sa démission, quelques instants avant la présentation des premiers résultats de l’enquête interne visant à faire la lumière sur ce scandale de blanchiment d’argent, dont le montant pourrait se chiffrer en dizaines de milliards d’euros entre 2007 et 2015.
« Il n’y a aucun doute que les problèmes liés à la division estonienne étaient bien plus importants qu’anticipé quand nous avons lancé une investigation », a reconnu le président de la première banque danoise, Ole Andersen, offrant ses excuses aux « actionnaires, clients, investisseurs, employés et à la société en général ». Selon la banque, l’enquête a révélé une « série de lacunes majeures » dans son système de gouvernance et de contrôle, ayant permis d’utiliser sa filiale estonienne « pour des transactions suspectes ».
Au total, les experts ont étudié les comptes de 15 000 clients non résidents en Estonie, par lesquels ont transité environ 1 500 milliards de couronnes danoises (200 milliards d’euros). Si la banque n’est « pas capable de fournir une estimation précise du montant des transactions suspectes », l’analyse approfondie de 6 200 comptes jugés « particulièrement à risque » a montré que la « grosse majorité » d’entre eux étaient suspects.
La position de Thomas Borgen était devenue d’autant plus compliquée à la tête de Danske Bank qu’il était chargé des opérations internationales, incluant l’Estonie, entre 2009 et 2012, avant d’être nommé directeur en 2013. « Il est clair que Danske Bank n’a pas été à la hauteur de ses responsabilités dans le cas du possible blanchiment d’argent en Estonie », a-t-il constaté, mercredi matin, affirmant qu’il avait honoré ses « obligations légales », mais que son départ était « mieux pour tout le monde ».
Selon le rapport d’enquête, Danske Bank avait été alertée dès 2007 par le régulateur estonien et les autorités danoises, sur la base d’informations fournies par la Banque centrale de Russie, qui mettait en garde contre des « activités criminelles, incluant du blanchiment d’argent », estimées à « des milliards de roubles par mois ».
Lanceur d’alerte ignoré
A partir du 27 décembre 2013 et jusqu’en avril 2014, un employé estonien lanceur d’alerte a signalé à son tour des irrégularités au sein de la filiale estonienne, mais sans que cela débouche sur une enquête. Et ce n’est qu’en 2015 que la Danske Bank a décidé de fermer sa division à Tallinn aux clients non résidents.
Le scandale a finalement éclaté le 20 mars 2017, avec la publication de plusieurs articles dans le quotidien danois Berlingske Tidende, au terme d’une longue enquête menée en collaboration avec le consortium de journalistes internationaux OCCRP et la Novaïa Gazeta russe. En analysant les comptes d’une vingtaine de sociétés, Berlingske découvre que la filiale estonienne de Danske Bank a été utilisée pour blanchir de l’argent par les services de renseignement russes (FSB), des proches de Vladimir Poutine et le régime azéri.
Mercredi 19 septembre, la banque danoise a annoncé qu’elle allait reverser la marge brute réalisée sur ses opérations estoniennes entre 2007 et 2015, estimée à 1,5 milliard de couronnes danoises, à une fondation indépendante créée « pour soutenir les initiatives visant à combattre la criminalité financière internationale, y compris le blanchiment d’argent, également au Danemark et en Estonie ».