Suicide d’un prêtre à Rouen à la suite d’accusations d’« agression sexuelle »
Suicide d’un prêtre à Rouen à la suite d’accusations d’« agression sexuelle »
Par Gilles Triolier (Rouen, correspondance)
La veille de son suicide, le père Sèbe avait été convoqué par l’archevêque de Rouen, qui l’avait entendu sur des faits remontant à trois ans.
L’archevêque de Rouen, Dominique Lebrun, lors d’une conférence de presse, le 20 septembre. / CHARLY TRIBALLEAU / AFP
Le diocèse de Rouen (Seine-Maritime), déjà ébranlé par l’attentat islamiste commis en juillet 2016 à Saint-Etienne-du-Rouvray et l’assassinat du père Jacques Hamel, vit à nouveau des heures tourmentées. Un prêtre de 38 ans, Jean-Baptiste Sèbe, s’est donné le mort par pendaison, mardi 18 septembre au matin, dans les combles de son église rouennaise.
La semaine précédente, le 13 septembre, une mère de famille s’était plainte auprès du vicaire de l’archevêché de Rouen de comportements indécents et d’une agression sexuelle de la part du curé sur sa fille majeure. Ces faits supposés remonteraient à trois ans. Aucune plainte n’a été déposée jusqu’à maintenant, mais une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Rouen pour « agression sexuelle ».
Devant le flou entourant pour l’instant les motivations exactes de ce suicide, le procureur de la République adjoint de la capitale normande marche sur des œufs. « En attendant les comptes rendus de l’enquête confiée à la sûreté départementale, je ressens la nécessité d’être très prudent, assure Etienne Thieffry au Monde. De quels faits s’agit-il exactement ? Sont-ils qualifiables pénalement ou moralement ? Datent-ils bien de trois ans ? Ces questions restent pour l’instant en suspens. Je ne peux pas encore vous dire dans quel registre on se situe. »
Charge aux enquêteurs d’identifier et d’interroger la jeune femme en question, qui ne vit plus en Normandie. « Nous voulons aller vite. Cette affaire suscite un émoi important localement et nationalement », commente le procureur de la République adjoint.
Une « attitude inconvenante »
La veille de son suicide, lundi, le père Sèbe avait été convoqué par l’archevêque de Rouen, Dominique Lebrun, à la suite des accusations portées contre lui. « J’ai estimé qu’il était dans ma mission d’évêque de m’expliquer avec lui », a révélé le primat de Normandie, jeudi midi lors d’une conférence de presse, assurant n’avoir jamais eu connaissance d’autres faits similaires concernant le prêtre rouennais :
« Le père Jean-Baptiste m’a alors avoué une conduite inconvenante à l’égard de cette jeune femme. Nous avons échangé et convenu qu’il s’agissait d’imprudence dans la relation avec cette femme. Malheureusement, cela arrive à un certain nombre d’hommes et de femmes déjà engagés affectivement ou ayant pris une résolution de célibat. »
Si Mgr Lebrun évoque face à la presse « une conduite inconvenante » et « un moment de chute d’une certaine gravité », il se refuse à être plus précis sur les faits supposés. Et n’emploie pas non plus le terme d’agression. « Cela peut en être une, concède-t-il tout de même. Mais personnellement, je ne saurais qualifier ce geste autrement que d’attitude inconvenante. »
Interrogé sur l’éventualité de saisir lui-même les services de police à la suite de ce témoignage, l’archevêque de Rouen a répondu par la négative, au vu, dit-il, « de la nature des faits »
« Et j’étais certain qu’il s’agissait d’une personne majeure. J’allais réfléchir, savoir si cette faute morale méritait une peine ecclésiale. En revanche, le vicaire général ayant reçu la mère de la jeune femme lui a suggéré de porter plainte si sa fille s’estimait victime d’une agression. »
Aîné d’une famille de six enfants né à Strasbourg en décembre 1979, Jean-Baptiste Sèbe, diplômé de philosophie et de théologie, est ordonné prêtre en 2005 en la cathédrale Notre-Dame de Rouen. Curé de la paroisse Saint-Jean XXIII de Rouen Nord depuis septembre 2013, il enseignait également à l’Institut catholique de Paris.