Françoise Nyssen dénonce les propos « ignominieux » de Marcel Campion
Françoise Nyssen dénonce les propos « ignominieux » de Marcel Campion
Par Béatrice Jérôme
Choquée par les propos homophobes du roi des forains, la ministre de la culture pourrait résilier la convention lui permettant d’installer son marché de Noël aux Tuileries cet hiver.
En guerre ouverte avec la maire de Paris, Anne Hidalgo, Marcel Campion a cru qu’il pouvait, de ce fait, s’attirer durablement les bonnes grâces de l’Elysée. Mais le roi des forains, qui envisage de se présenter aux élections municipales de 2020, est devenu encombrant politiquement pour La République en marche (LRM) depuis la diffusion, samedi 22 septembre par Le Journal du dimanche, d’une vidéo révélant des propos jugés « homophobes » aussi bien par l’Hôtel de ville que par les macronistes.
« Les propos ignominieux tenus par M. Campion doivent évidemment être condamnés, a confié au Monde la ministre de la culture, Françoise Nyssen, lundi. Mais au-delà, ces mots qui tombent sous le coup de la loi nous interrogent sur la pertinence de confier à celui qui les a proférés l’occupation d’un espace public et d’un haut lieu de la culture. »
Cet été, Marcel Campion avait en effet conclu une convention avec la direction du Musée du Louvre pour pouvoir déployer son marché de Noël au jardin des Tuileries – qui appartient à l’Etat – durant l’hiver. Le tollé déclenché par la vidéo pourrait avoir pour conséquence la résiliation de cette convention.
L’enregistrement diffusé par Le JDD a été effectué le 27 janvier lors d’une réunion publique à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), au cours de laquelle le forain se lance dans une diatribe contre Bruno Julliard, à l’époque premier adjoint de Mme Hidalgo (il a démissionné de ses fonctions avec fracas le 17 septembre). A la Mairie, M. Julliard avait été en première ligne pour piloter la décision de Mme Hidalgo de supprimer le marché de Noël sur l’avenue des Champs-Elysées.
« Comme il était un peu de la jaquette, explique M. Campion, il a rencontré Delanoë, ils ont fait leur folie ensemble et paf, il est premier adjoint. Avec Anne Hidalgo, il est super, (…) il lui a amené tous les homos de la terre. Toute la ville maintenant est gouvernée par des homos », poursuit-il. Avant d’ajouter : « D’habitude, je dis les pédés. Mais on m’a dit hier qu’il fallait plus que je dise ça. Donc je ne dis plus les pédés, je dis les homos. J’ai rien contre eux, sauf qu’ils sont un peu pervers. »
La condamnation de ses propos a été immédiate à l’Hôtel de ville. M. Julliard a annoncé qu’il allait « déposer plainte ». Mme Hidalgo a tweeté que « l’homophobie n’aura jamais sa place à Paris » et estimé que « la justice doit être saisie ». Plusieurs adjoints et élus de la majorité parisienne ont également manifesté leur indignation. A la tête du mouvement Parisiennes, Parisiens, Gaspard Gantzer s’en est pris au « discours invraisemblable et franchement homophobe, inacceptable » de M. Campion.
Dans les rangs macronistes de la capitale, l’indignation n’a pas été moins forte. Benjamin Griveaux a jugé « à vomir » les propos de M. Campion. Le porte-parole du gouvernement a souhaité « qu’il soit poursuivi et lourdement condamné ». Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, a indiqué de son côté avoir demandé « au délégué interministériel contre l’homophobie, Fréderic Potier, d’étudier les possibilités de recours juridiques face aux propos intolérables de M. Campion ».
« Campion est un voyou »
Christophe Castaner s’est montré moins sévère. Le délégué général de LRM a estimé que « s’il pense avoir été mal compris, M. Campion doit le dire et s’excuser de la violence de ses mots ». Député (LRM) des Français de l’étranger, Joachim Son-Forget s’en est pris quant à lui au « lynchage médiatique » et à « l’ignoble “name and shame” » contre M. Campion. Un début de cacophonie dans les rangs de LRM aussitôt tué dans l’œuf. « Non mais allô quoi ! ? », a réagi le député du 17e arrondissement Stanislas Guerini, jugeant les propos de M. Campion « ho-mo-phobes. Point ». Le président des députés LRM de l’Assemblée, Gilles Le Gendre, a fermé le ban, condamnant « sans réserve » les propos « homophobes » de M. Campion, « au nom du groupe parlementaire ».
Face à ces tirs croisés, M. Campion a tenté de se dédouaner. « Que les choses soient claires, il n’y a pour moi aucun lien entre le fait que Bruno Julliard soit gay, et la politique anti-forain qu’il a mis en place », a-t-il plaidé auprès de l’AFP. Seul Christophe Girard, adjoint à la culture d’Anne Hidalgo, a jugé que ces mots avaient valeur d’« excuses ». « Campion est un voyou mais il n’est pas homophobe », insiste M. Girard.
Mais l’affaire était devenue trop embarrassante pour LRM. « Le directeur du musée doit réexaminer la convention qui autorise le marché de Noël aux Tuileries », confiait dimanche M. Julliard. « L’Etat doit renoncer immédiatement à ce projet fou de l’installer au Louvre et aux Tuileries », a réagi de son côté Jean-François Martins, adjoint aux sports de Mme Hidalgo. De son côté, le député (LRM) du 15e arrondissement, Hugues Renson, a estimé que « les propos orduriers de Marcel Campion le disqualifient pour prétendre organiser quelque festivité que ce soit dans notre capitale ». Le roi des forains semble désormais bel et bien dans le collimateur de l’Elysée.