Non, « Fortnite » n’a pas causé une vague de divorces au Royaume-Uni
Non, « Fortnite » n’a pas causé une vague de divorces au Royaume-Uni
Une étude d’un cabinet d’avocats prétend de manière exagérée que 5 % des demandes de divorces seraient liées au jeu vidéo à succès.
« Fortnite ». / Epic Games
Une demande de divorce sur cinq, depuis le début de l’année, serait liée au jeu vidéo Fortnite au Royaume-Uni : la statistique a fait, la semaine dernière, le tour de la presse populaire anglaise, avant d’être reprise un peu partout dans le monde. Sans surprise, le chiffre a été abondamment commenté. Avec 80 millions de joueurs actifs, Fortnite est l’un des jeux en ligne les plus populaires au monde. Créé par le studio Epic games, ce jeu de tir, jouable seul ou en équipe, dans lequel les joueurs s’affrontent dans une arène qui rétrécit avec le temps, jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un seul survivant. Réputé particulièrement prenant, il a connu un succès météoritique, notamment auprès des adolescents.
Mais de là à y voir une cause importante de divorces, il y a un pas. Comme le souligne Franceinfo, le chiffre est issu d’un communiqué publié par un cabinet d’avocats britanniques spécialisés dans les demandes de divorces. L’entreprise y explique que « 5 % des 4 665 demandes de divorces reçues depuis le début de l’année » font référence à « une addiction à Fortnite ou à d’autres jeux en ligne comme l’une des raisons du divorce ».
Comme le note Franceinfo, cette présentation des chiffres est trompeuse : on ignore, en l’état, si dans ces quelque 200 cas, Fortnite est considéré par les personnes demandant le divorce comme une cause principale ou accessoire de la demande, et même quelle proportion exacte des demandes cite explicitement Fortnite. L’expression « d’autres jeux en ligne » peut en effet faire référence à de très nombreux jeux, qu’il s’agisse de jeux vidéo au sens strict ou de jeux d’argent en ligne, comme le poker.
Un cabinet habitué des « coups » basés sur des chiffres fantaisistes
Par ailleurs, le cabinet d’avocats à l’origine de cette « étude » est un habitué des « coups » publicitaires du même genre. En 2016, la même entreprise hasardait déjà que 40 % des divorces étaient liés « aux réseaux sociaux et aux jeux d’argent » ; en 2011, que 15 % des étaient déjà causés par les jeux vidéo en ligne, et 30 % par Facebook ; et en 2010, que 10 % des séparations étaient liées à la Coupe du monde de football. A chaque fois, les chiffres sont extrapolés à partir des formulaires remplis en ligne sur le site, sans tenir compte de l’importance du facteur pour la personne qui demande le divorce.
Le fait que ces chiffres ne soient pas fiables ne signifie pas que Fortnite ou d’autres jeux ne puissent pas être à l’origine de conflits ou de séparations. Mais selon une vaste étude de 2016 de l’université d’Oxford, moins de 1 % des joueurs et joueuses ont un rapport problématique au jeu en ligne – et moins de 3 % ont une pratique excessive du point de vue médical et psychologique. Les rares études ayant examiné les impacts d’une pratique importante du jeu vidéo au sein des couples notent que davantage que le temps passé à jouer, c’est le fait que la pratique interfère avec les habitudes de fonctionnement du couple – heures de coucher, par exemple – qui est principalement à l’origine de conflits. Les couples qui jouent ensemble considèrent, logiquement, que cette activité contribue à les rapprocher.
De manière générale, l’émergence de nouveaux loisirs, de la télé-réalité aux romans de gare du XIXe siècle, a, dans quasi tous les cas, été pointée du doigt comme une cause de divorces au moment de leur apparition. Les recherches sur le long terme montrent qu’au Royaume-Uni comme ailleurs les causes principales de séparation sont restées globalement les mêmes : sentiments qui s’émoussent, problèmes financiers ou sexuels… La seule évolution notable, ces dernières années, semble avoir été une baisse des divorces liés à une infidélité.