S’il est candidat à Barcelone, Manuel Valls doit-il démissionner de son poste de député ?
S’il est candidat à Barcelone, Manuel Valls doit-il démissionner de son poste de député ?
Par Jérémie Lamothe
L’élu de l’Essonne doit annoncer, mardi, sa candidature aux élections municipales dans la ville espagnole.
Le député de l’Essonne Manuel Valls, le 19 juin à l’Assemblée nationale. / CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
Manuel Valls s’apprête à tourner la page de la vie politique française. L’ancien premier ministre doit annoncer, mardi 25 septembre en début de soirée, au Centre de culture contemporaine de Barcelone, sa candidature aux élections municipales de la cité catalane.
Depuis plusieurs semaines, le député de l’Essonne, apparenté au groupe de La République en marche, fait campagne dans la ville où il est né. Réunions avec l’élite économique, recherche de financements, discours publics…, M. Valls a multiplié les apparitions à Barcelone depuis la rentrée. Quitte à faire grincer des dents à l’Assemblée nationale.
Les appels à la démission de l’ancien socialiste se sont ainsi multipliés ces derniers jours. Pour Farida Amrani (La France insoumise), rivale de M. Valls aux élections législatives de 2017, « cela fait depuis avril qu’il réfléchit à sa candidature à Barcelone. Cette situation n’a que trop duré. C’est une situation intenable ». Le ton est le même du côté de la cheffe de file des députés socialistes à l’Assemblée nationale, Valérie Rabault : « On ne peut pas être élu de la République française et en même temps mener une campagne à Barcelone. »
Mais, concrètement, que dit la loi ?
Est-il contraint de renoncer à son mandat de député ?
Sophie de Cacqueray, maîtresse de conférences en droit public à l’université d’Aix-Marseille et membre du collectif des Surligneurs, explique que « rien dans les textes ne contraint » l’élu à démissionner. En effet, depuis mars 2017, les nouvelles règles concernant le cumul des mandats interdisent bien aux parlementaires d’être à la fois maire, président de département ou de région, mais cette règle ne s’applique qu’à des fonctions électives en France.
Alors quid d’un poste de maire à l’étranger ? « Le législateur n’avait pas prévu cette hypothèse, dit Sophie de Cacqueray. Le problème qui se pose est plus politique que juridique. » Si M. Valls était élu, le Conseil constitutionnel pourrait être saisi. Pour la juriste, le juge peut constater une « incompatibilité de mandat et demander au politique de choisir. S’il n’y a pas de réponse, ce serait une démission forcée, et ça serait donc à sa suppléante [Marie-Hélène Bacon] de prendre la place de Manuel Valls. » Ce qui éviterait ainsi à La République en marche de faire face à une législative périlleuse dans l’Essonne.
Si Manuel Valls, à qui cette décision appartient donc, choisit de démissionner, une élection législative partielle serait organisée dans un délai de trois mois après sa démission, selon l’article LO178 du Code électoral.
Peut-il être sanctionné pour absentéisme à l’Assemblée ?
Si M. Valls conserve son mandat de député, alors qu’il fait campagne en Catalogne, il pourrait être sanctionné financièrement en raison de son absentéisme à la commission des lois, où il siège depuis plus d’un an. Selon l’article 159 du règlement de l’Assemblée :
« Le fait d’avoir pris part, pendant une session, à moins des deux tiers des scrutins publics […] entraîne une retenue du tiers de l’indemnité de fonction pour une durée égale à celle de la session ; si le même député a pris part à moins de la moitié des scrutins, cette retenue est doublée. »
En revanche, sur la question de la présence dans l’hémicycle, les règles sont plus floues. « A son époque, Philippe Séguin [président de l’Assemblée de 1993 à 1997] avait tenté d’imposer des mesures pour que les députés soient plus présents. François de Rugy avait aussi évoqué ce sujet. Il faudra donc voir ce que va faire Richard Ferrand face à ce cas », dit Sophie de Cacqueray, qui se pose aussi la question « de l’indemnité de député » que touche l’élu francilien : « Peut-il la garder alors qu’il est en campagne à Barcelone ? »
Quel rôle pour ses collaborateurs parlementaires ?
Ses assistants n’ont pas le droit de travailler hors du cadre du mandat de député de Manuel Valls, que ce soit en circonscription ou à l’Assemblée nationale. Il ne pourra donc pas compter sur eux pour l’appuyer durant sa campagne électorale en Espagne pour le scrutin du 26 mai.
Au Parlement européen, le Rassemblement national est ainsi dans le collimateur de la justice pour avoir employé des assistants parlementaires qui travaillaient en fait pour l’ex-Front national en France, et non pour les eurodéputés à Bruxelles. Dans ce dossier, Marine Le Pen a été mise en examen en juin 2017 pour abus de confiance.