La chambre territoriale des comptes de la Polynésie française (276 000 habitants) est bien obligée d’en convenir : « Il est actuellement impossible de chiffrer avec exactitude la pléthore de véhicules » de l’administration dans ce territoire de l’océan Pacifique doté, depuis 1984, d’une large autonomie. En 2016, une tentative de reconstituer la situation des véhicules achetés par la collectivité a révélé que, pour plus d’un quart (27 %) d’entre eux, l’administration ignorait ce qu’ils étaient devenus.

Dans le rapport d’observation publié mercredi 26 juillet, la chambre décortique la flotte – hors cabinets ministériels – dont l’administration polynésienne est en mesure de fournir les données, soit 1 107 véhicules pour les 7 300 agents des services et établissements publics : 1 pour 6,5 agents. Un ratio qui grimpe à 1 pour 5,7 agents dans les services administratifs (858 véhicules pour 4 900 agents). La seule direction de l’agriculture compte 86 véhicules en circulation pour 295 agents.

Hormis la surabondance manifeste de la flotte toujours considérée en activité, celle-ci se caractérise également par sa vétusté. La chambre parle d’« état critique » : plus de quatre véhicules sur cinq (82 %) ont plus de dix ans, pas moins de 41 % de ceux-ci ayant été acquis pendant les années fastes – et dispendieuses – de 2003 à 2007. Le parc automobile a ainsi atteint une respectable moyenne d’âge de près de 14 ans. On y trouve même une Renault mise en circulation le 11 septembre 1978…

Politique d’achat incohérente

Combien sont encore en état de rouler ? Un rapport établi en août 2013 à la demande du gouvernement polynésien recensait 95 automobiles et 20 deux-roues à l’état d’épave. Dans cet inventaire portant sur 818 véhicules en service, 43 % étaient « en bon état de marche ». En effet, à la surabondance de biens automobiles se greffent les problèmes d’entretien dus, entre autres, à une politique d’achat incohérente : pas moins de 36 marques différentes coexistent au sein de cette flotte composite.

Selon le rapport, « la quasi-totalité du parc automobile a atteint des seuils de pollution critiques ». L’administration n’en continue pas moins à acquérir des modèles diesel : sur 26 véhicules achetés en 2016, 25 étaient des diesel. « Ce comportement d’achat confine à l’anachronisme », fustige la chambre, qui exige « une modernisation urgente » des méthodes de gestion et un renouvellement de la flotte pour « mettre fin aux inefficacités et aux gaspillages ». Sans cacher que ces mesures de rattrapage auront un coût à court terme, mais « c’est le prix de la remise à niveau ».

La réponse du président de la Polynésie française, Edouard Fritch, sollicité par la chambre territoriale, est pour le moins lacunaire : « Après avoir pris connaissance et analysé [le contenu du rapport], il ne nous a pas paru opportun de faire des remarques à son sujet. »