Jeu vidéo « Megaman 11 » : « On célèbre son trentième anniversaire comme un nouveau départ »
Jeu vidéo « Megaman 11 » : « On célèbre son trentième anniversaire comme un nouveau départ »
Par William Audureau
Kazuhiro Tsuchiya et Koji Oda, responsables de « Megaman 11 », expliquent au « Monde » la difficulté de faire évoluer une série de jeu vidéo emblématique des années 1980.
Megaman le robot revient affronter des cyborgs colorés dans Megaman 11, un jeu qui sent bon les années 1990. / Capcom
Kazuhiro Tsuchiya et Koji Oda sont respectivement producteur et réalisateur de Megaman 11, qui sort mardi 2 octobre sur la plupart des plates-formes de jeux. Il s’agit du dernier opus en date d’une série qui a connu son heure de gloire à la fin des années 1980. Aujourd’hui encore, elle réunit les souvenirs nostalgiques et incarne une époque, quitte à en être un peu prisonnière.
Megaman revient aujourd’hui dans un onzième épisode. Faites-vous la course avec Final Fantasy pour le titre de la série la plus longue ? Vous visez Megaman 100 ?
Koji Oda : [rires] Final Fantasy en est à son quinzième épisode. Eux aussi fêtent leur trentième anniversaire, mais quand on voit le temps qu’ils mettent à sortir chaque nouveau jeu, ce n’est qu’une question de temps avant qu’on les rattrape et les dépasse !
Kazuhiro Tsuchiya : C’est un vrai moment fatidique quand une série passe à deux chiffres : c’est plus dur de parler à la jeune génération, car le chiffre est intimidant. Cela donne l’impression d’avoir raté plein de choses, et c’est un défi à surmonter pour les développeurs. C’est vrai qu’il s’appelle Megaman 11 mais, de notre côté, on célèbre plus son trentième anniversaire en essayant de prendre un nouveau départ, en rafraîchissant la série. On prépare son futur.
Quel est le secret d’un bon épisode de Megaman ?
K.O. : C’est de permettre au joueur d’avoir l’impression d’être en contrôle. Quand ils meurent, ce n’est pas parce que le jeu est injuste, mais qu’ils ne sont pas assez bons. Il faut que les contrôles soient précis, pour qu’il puisse progresser.
Megaman en train d’esquiver un fulguro-point rose fluo dans « Megaman 11 ». / Megaman
Comment inventez-vous les boss ?
K.O. : La base, c’est de définir son élément de base, ce qu’il représente. Souvent, on a besoin d’aller au plus simple. Et puis on cherche un design qui soit rigolo.
Quels sont les meilleurs boss créés dans la série Megaman ?
Iceman (1987). / Capcom
K.O. : Pour moi, c’est Cutman, en raison de l’extrême simplicité de son design. Il a une paire de ciseaux géante sur sa tête ! On voit clairement ce qu’il représente. En même temps, il a été conçu par le même designer que Megaman et ça se sent, on comprend que c’est un ennemi, mais qu’en même temps il est de la même espèce que le héros.
K.T. : Je dirais Iceman, j’adore le contraste entre son côté mignon, son aspect eskimo, et sa puissance. Un robot mignon qui peut me tuer en trois coups, j’aime beaucoup le principe !
Document de design de Cut Man (Mega Man : Dr Wily’s Revenge, Game Boy, 1991). / Capcom
Pourquoi Megaman porte-t-il son slip par-dessus sa combinaison ?
K.O. : Question difficile. Je ne me l’étais jamais posée. En fait je crois que les gens se trompent, ils pensent que c’est un slip, mais en fait cela fait partie de la structure de son armure, c’est design ! Et puis c’est comme Batman, tous les héros ont un slip comme ça au-dessus de leur costume ! [rires]
La science est formelle : Megaman porte son slip au-dessus de sa combinaison. / Capcom
Megaman est surtout connu en tant que personnage de jeux 2D. Comment expliquez-vous qu’il soit autant figé dans cette représentation, quand d’autres comme Mario ont su passer de la 2D à la 3D ?
K.T. : C’est vrai qu’il y a un sentiment très fort que c’est un jeu de plate-forme 2D, mais nous ne sommes pas obligés de nous cantonner à ça, nous ne sommes pas contre d’autres directions.
Par exemple, est-ce que vous vous imagineriez faire un Megaman Battle Royale, sur le modèle de Fortnite ?
K.O. : Si vous regardez l’histoire de Megaman, avec les sous-séries X, Network, etc., il y a eu pas mal de branches, donc je ne dis pas non ! Ce n’est pas que voulons faire un changement drastique, mais on a ce désir de créer un tout nouveau Megaman jamais vu avant, c’est une opportunité. Mais un Battle Royale, hmmm… non. [rires]
Avez-vous parfois l’impression dans certains jeux 3D de retrouver le feeling de Megaman ?
Il y a du Megaman dans Limbo (2010), jeu minimaliste, exigeant et précis ? / Playdead
K.O. : Megaman est en 2D mais c’est un jeu d’action. Le plaisir vient quand le joueur sent qu’il progresse et passe des obstacles qu’il ne passait pas avant, et c’est quelque chose que l’on retrouve dans plusieurs genres. Mais il me semble qu’il se rapproche surtout des jeux où il faut comprendre les patterns et s’améliorer. Je suis moi-même fan de jeux d’action. J’aime beaucoup Limbo, un jeu dans lequel on commence avec très peu d’informations, mais en avançant on apprend petit à petit ce qu’on peut faire et comment, et ce sentiment de progrès.
Selon son producteur, « Anthem » est un peu un Megaman en 3D - preuve que des passerelles avec la modernité existent. / Electronic Arts
Au Salon du jeu vidéo, le producteur de la prochaine superproduction d’Electronic Arts, Anthem, a déclaré que Megaman était le jeu en 2D dont il se rapprochait le plus. Vous êtes d’accord avec lui ?
K.O. : Pour être complètement honnête avec vous, je sais que je vais acheter le jeu, mais je ne l’ai pas encore vraiment étudié. Mais c’est flatteur d’entendre ça, ça me donne encore plus envie d’y jouer !
Où est Charlie ? - Project X Zone 2 Megaman Edition. / Capcom
Au moment de son annonce, Nintendo a qualifié Super Smash Bros. Ultimate de « plus grand crossover de l’histoire ». Vous avez précédemment été impliqué sur Project Zone X, un croisement entre univers SEGA, Namco et Capcom qui était déjà « le plus grand crossover de l’histoire » avant lui. Vous avez l’impression d’avoir été détrôné ?
K.O. : J’ai été impliqué sur les deux projets. Ce qui m’a frappé en travaillant avec leurs responsables respectifs, Masahiro Sakurai sur Smash Bros et Kensuke Tsukanaka sur Project X Zone, c’est à quel point ils aiment les jeux, le degré de recherche et de détails qu’ils sont capables d’y mettre. Souvent je me dis “mais vous n’avez pas besoin d’aller chercher des trucs aussi pointus ! C’est impressionnant.” On a toujours été du côté de ceux qui sont invités, mais si on veut grandir, j’adorerais qu’un jour ce soit Megaman qui invite des personnages dans son jeu !