Démission de Gérard Collomb : un camouflet, un casse-tête
Démission de Gérard Collomb : un camouflet, un casse-tête
Editorial. Le départ du gouvernement du ministre de l’intérieur plonge un peu plus le pouvoir exécutif dans la crise à rebondissements qui le secoue depuis deux mois.
Lors de la passation de pouvoir entre Gérard Collomb et Edouard Philippe, mercredi 3 octobre 2018. / Jullien Muguet pour «Le Monde»
Editorial du « Monde ». C’est un curieux hommage à Guignol, l’emblème de Lyon, « sa » ville chérie, que vient de rendre Gérard Collomb. Lassé du castelet du pouvoir parisien, où il jouait les gendarmes depuis seize mois et apparaissait trop souvent désaccordé, pressé de retrouver au plus vite les faveurs du public lyonnais, l’ancien ministre de l’intérieur a donc quitté la scène. Au terme d’un final rocambolesque avec le président de la République.
S’il ne s’agissait des affaires de l’Etat, l’on pourrait sourire du comique de situation. Mais cette démission du ministre de l’intérieur plonge un peu plus le pouvoir exécutif dans la crise à rebondissements qui le secoue depuis deux mois. Au camouflet sans précédent infligé au chef de l’Etat et au premier ministre s’ajoute le casse-tête de trouver, en catastrophe, un ministre de l’intérieur.
Il y a quinze jours déjà, en proposant sa démission, assortie d’un préavis de dix mois jusqu’aux élections européennes, Gérard Collomb avait transgressé de façon stupéfiante la règle élémentaire qui confie au président de la République le pouvoir de nommer les ministres et de mettre fin à leurs fonctions. En réitérant sa décision de manière irrévocable, mardi 2 octobre, qui plus est à son initiative et par voie de presse, il n’a pas hésité à démontrer le peu de cas qu’il fait désormais de l’autorité présidentielle. C’est encore plus cinglant pour le premier ministre, pris au dépourvu en pleine séance de questions d’actualité à l’Assemblée nationale.
S’il avait voulu démontrer, ce dont il se défend sans convaincre, que le chef de l’Etat a perdu la main sur les événements et qu’il manque de l’expérience et des réflexes indispensables à sa fonction, l’ex-ministre n’aurait pu faire mieux. Comme nous l’écrivions ici même au moment de la première menace de démission de M. Collomb, Emmanuel Macron n’avait guère d’autre choix que de trancher, et de démettre rapidement son ministre. En y renonçant, pour rester maître du calendrier, il se voit aujourd’hui imposer ce départ de façon humiliante.
Un message sans ambiguïté
Deux précédents ajoutent au trouble. De la même façon, le chef de l’Etat n’a pas su gérer efficacement la crise déclenchée, en juillet, par l’affaire Benalla. La décision, finalement prise sous la pression, après des semaines de finasseries maladroites, de licencier l’ancien conseiller aurait dû être prise immédiatement, dès le mois de mai, lorsque fut connu l’épisode mettant en cause M. Benalla. En écartant cette sanction immédiate, par fidélité à un homme qui avait accompagné sa conquête du pouvoir, le président s’est retrouvé empêtré dans un pataquès sans fin. De même avec Nicolas Hulot, dont Emmanuel Macron, trop sûr de son pouvoir de persuasion ou de séduction, n’a pas su calmer les impatiences ni répondre aux inquiétudes. Là encore, il a été mis devant le fait accompli.
Mais la démission du ministre de l’intérieur jette une lumière encore plus cruelle sur la situation du président. Soutien de la première heure à celui qui n’était encore qu’un candidat putatif à l’élection présidentielle, lui apportant expérience, appuis et réseaux, apparaissant alors comme le mentor du jeune impétrant, chantre du « nouveau monde » macronien, Gérard Collomb était l’un des – rares – piliers du gouvernement. En claquant la porte, il adresse un message sans ambiguïté : après seize mois d’expérience, l’avenir de Lyon lui paraît plus décisif que celui de la France. Bref, il n’y croit plus.
Quant à son remplacement, la décision de confier l’intérim du ministère de l’intérieur au premier ministre démontre qu’il relève du casse-tête. C’est, en effet, l’une des faiblesses du chef de l’Etat : ayant délibérément balayé la plupart des caciques expérimentés pour constituer une équipe de néophytes et de techniciens, il se trouve fort dépourvu de candidats de poids pour occuper l’un des postes-clés de la République.
La rentrée du président était cahoteuse. Elle est en passe de devenir chaotique.