Chassez le naturel, il revient au galop. Après avoir trouvé son témoignage « très convaincant », Donald Trump s’en est ouvertement pris, mardi 2 octobre, à Christine Blasey Ford, l’universitaire de 51 ans, qui accuse Brett Kavanaugh, son candidat à la Cour suprême, d’agression sexuelle.

« J’avais bu une bière, j’avais bu une bière… », a lancé M. Trump lors d’un meeting de campagne à Southaven, dans le Mississippi, faisant mine d’imiter le témoignage de Mme Blasey Ford devant la commission judiciaire du Sénat américain.

« Comment êtes-vous rentrée chez vous ? Je ne m’en souviens pas. Comment vous êtes-vous rendue sur place ? Je ne m’en souviens pas. Il y a combien d’années ? Je ne sais pas, je ne sais pas, je ne sais pas », a-t-il lancé, sous les rires et applaudissements nourris. « Dans quel quartier cela s’est-il passé ? Je ne sais pas. Où est la maison ? Je ne sais pas. Au premier étage, au rez-de-chaussée, où ? Je ne sais pas. Mais j’avais bu une bière, c’est la seule chose dont je me souviens », a-t-il poursuivi. « Et la vie d’un homme est en lambeaux, la vie d’un homme a été brisée », a ajouté le président américain, qui avait jusqu’ici pris soin de ne pas s’en prendre directement à l’accusatrice.

Devant les sénateurs, jeudi, Christine Blasey Ford a répété ses accusations contre M. Kavanaugh mais n’a pu se rappeler ni la date exacte, ni le lieu où se sont produits les faits, qui remontent à plus de trente ans.

« Les hommes… dans une situation très délicate »

Un peu plus tôt dans la journée, M. Trump avait estimé que les hommes se trouvaient, désormais, dans une situation très délicate aux Etats-Unis. « C’est une époque vraiment terrifiante pour les jeunes hommes en Amérique, vous pouvez être coupable de quelque chose dont vous n’êtes pas coupable », avait-il déclaré depuis les jardins de la Maison Blanche. « C’est vraiment une période difficile », avait-il martelé, estimant que la présomption d’innocence était trop souvent piétinée.

Mercredi, Kellyanne Conway, la conseillère de Donald Trump, a défendu l’attaque de Donald Trump, affirmant que Christine Blasey Ford a été traitée comme un « œuf de Fabergé ».

L’avocat de Mme Blasey Ford, Michael Bromwich, a dénoncé sur Twitter une attaque « cruelle et ignoble » contre sa cliente. « Est-il étonnant qu’elle soit terrifiée à l’idée de parler, et que d’autres victimes d’abus sexuels le soient également ? », a-t-il poursuivi. « Elle est un exemple remarquable de courage. Lui est un exemple de lâcheté », a-t-il conclu.

Deux élus républicains au Sénat ont critiqué l’attitude du président. Sur NBC, le sénateur Jeff Flake a déploré les déclarations du président. « Ce n’était ni le moment ni l’endroit pour tenir de tels propos, parler ainsi d’une chose aussi sensible lors d’une réunion politique », a-t-il dit. « Ce n’est pas correct, tout simplement. J’aurais souhaité qu’il ne le fasse pas. Je dis juste que c’est épouvantable », a ajouté le sénateur de l’Arizona. Pour Susan Collins, élue du Maine interrogée par des journalistes, le président Trump « a eu tout faux ».

Enquête du FBI

La commission judiciaire du Sénat, formée de onze républicains et dix démocrates, a recommandé vendredi que la candidature du juge Kavanaugh soit confirmée, mais le sénateur Flake a obtenu en échange de son vote qu’un complément d’enquête soit mené par le FBI.

Il reviendra ensuite aux 100 sénateurs de voter ou non sa nomination à la Cour suprême. Les républicains ne possèdent qu’une courte majorité dans cette assemblée où ils contrôlent 51 des 100 sièges.

Plusieurs personnes impliquées de près ou de loin dans cette affaire ont déploré de ne pas avoir été approchées par le FBI. Deborah Ramirez, qui accuse Brett Kavanaugh d’avoir exhibé son sexe près de son visage lors d’une soirée arrosée à l’université de Yale au milieu des années 1980, pour sa part, a été entendue. Elle a, selon ses défenseurs, fourni une vingtaine de noms de personnes susceptibles de corroborer ses dires, mais aucun n’a été contacté. « Nous craignons que le FBI ne mène pas ou ne soit pas autorisé à mener une enquête », a écrit son avocat, John Clune, sur Twitter.