Argentine : à cause de la lenteur de la justice, l’ex-président Carlos Menem échappe à la prison
Argentine : à cause de la lenteur de la justice, l’ex-président Carlos Menem échappe à la prison
Par Christine Legrand (Buenos Aires, correspondante)
L’ex-chef de l’Etat péroniste avait été condamné à sept ans de prison en 2013 pour contrebande d’armes, mais il n’avait pas encore épuisé tous les recours judiciaires.
L’ancien président argentin Carlos Menem (1989-1999), 88 ans et sénateur. / SANTIAGO LLANQUIN / AP
Après un quart de siècle de poursuites judiciaires, l’ancien président argentin Carlos Menem (1989-1999), aujourd’hui âgé de 88 ans et toujours sénateur, n’ira pas en prison, bénéficiant des lenteurs de la justice.
Acquitté à l’issue d’un premier procès, en 2011, pour contrebande d’armes à destination de la Croatie et de l’Equateur, en violation d’un embargo de l’ONU, rejugé et condamné en 2013 à sept ans de prison, le vieux caudillo péroniste a été exonéré de toute peine, jeudi 4 octobre, à Buenos Aires, par la Cour de cassation. Le scandale des ventes d’armes illégales remonte à 1991 (Croatie) et à 1995 (Equateur).
Sans toutefois le déclarer innocent, les juges ont considéré que la justice avait trop tardé à faire appliquer la peine, et qu’il y avait donc prescription. A l’époque, la culpabilité de M. Menem avait été ratifiée par la Cour suprême, mais pas le montant de la peine. En l’absence de condamnation définitive, M. Menem a bénéficié de nombreux recours présentés par ses avocats, mais aussi de son immunité parlementaire lui garantissant de rester en liberté. Elu sénateur de La Rioja, sa province natale, dans le nord-ouest du pays, en 2005, il avait été réélu en 2017.
« Impunité qui blesse gravement la République »
Cette décision judiciaire a entraîné une vive polémique en Argentine, en particulier au sein du parti au pouvoir du président de centre droit, Mauricio Macri. Alliée de M. Macri, la députée de centre gauche Elisa Carrio a menacé de porter plainte contre les juges de la Cour de cassation, dénonçant « une sentence qui démontre la viscérale impunité qui blesse gravement la République ». « C’est une condamnation contre la justice elle-même », a renchéri le député radical Mario Negri.
Ce verdict renforce, en revanche, la position du Parti justicialiste (péroniste), qui refuse de lever l’immunité parlementaire d’un membre du Congrès tant qu’il n’y a pas de condamnation ferme contre lui. Cette doctrine bénéficie actuellement à la sénatrice et ancienne présidente péroniste Cristina Fernandez de Kirchner (2007-2015), mise en cause dans plusieurs procédures judiciaires pour corruption, mais jamais condamnée.
Le 22 août, le Sénat avait accepté de lever partiellement son immunité parlementaire, permettant à la justice de procéder à des perquisitions aux différents domiciles de l’ex-présidente, à Buenos Aires et dans son fief de Patagonie.
Carlos Menem avait été brièvement assigné à résidence en 2001, pendant six mois, accusé d’avoir signé, pendant sa présidence, trois décrets permettant, officiellement, l’envoi de 6 500 tonnes d’armements au Panama et au Venezuela, mais qui avaient été détournées, entre 1991 et 1995, vers la Croatie, en pleine guerre des Balkans, et vers l’Equateur, alors en conflit avec le Pérou.