Au Mondial de l’auto, des hôtesses d’accueil pas seulement « pour la déco »
Au Mondial de l’auto, des hôtesses d’accueil pas seulement « pour la déco »
Des centaines d’étudiants jouent les hôtes et hôtesses d’accueil sur les stands des constructeurs. Avec le sentiment d’être plus actifs que sur d’autres événements.
Lors du Mondial de l’auto 2016, à Paris. / MIGUEL MEDINA / AFP
Citroën, Toyota, Peugeot, Skoda, Renault, Audi… au Mondial de l’auto, qui se tient jusqu’au 14 octobre à Paris, pas un stand sans sa nuée d’étudiants, habillés de pied en cap aux couleurs des constructeurs automobiles. Ici, autant d’hommes que de femmes. Mais cette parité est exceptionnelle dans ce milieu très largement féminin. Armés de tablettes tactiles, tous s’affairent autour des véhicules.
Leur job ? Accueillir et renseigner les visiteurs. « On nous a dispensé une journée de formation. On est capables de répondre à des questions basiques sur la puissance des véhicules ou leur disponibilité en concession », confie Chloé*, une étudiante en droit qui officie sur le stand d’Audi.
Rouge à lèvres éclatant et cheveux tirés en arrière, Anna* travaille sur le stand Peugeot. Une façon, pour cette étudiante en deuxième année d’école de communication, de gagner de l’argent et d’occuper son temps entre les cours : « Hôtesse, personne ne veut en faire son métier. Mais c’est une bonne façon d’apprendre à bien s’exprimer, avoir la bonne attitude, être à l’aise avec le public », confie-t-elle.
Aujourd’hui dépêchée par l’entreprise Charlestown, elle travaille pour différentes agences, en fonction des opportunités. Ce qui ne pose aucun problème : les missions comme les conditions de travail ne varient guère. Des CDD exclusivement, payés aux alentours de 11 euros brut de l’heure, soit le smic majoré des congés payés. Un job qui a un immense avantage pour les étudiants, celui de la souplesse.
« Inutile d’être hypocrite, c’est un métier d’image »
Les agences l’assurent, elles n’embauchent pas sur des critères physiques. « Ce qui compte, ce sont les compétences linguistiques et la disponibilité », assure une recruteuse de Pénélope. « Les filles doivent être maquillées, avec les cheveux attachés, mais on a des tenues jusqu’à la taille 44 », enchérit une de ses consœurs, de Charleen. De belles paroles dont il est permis de douter.
Dans les colloques, assemblées générales, soirées d’entreprise et autres salons professionnels, les hôtesses ont rarement des kilos en trop. Et celles qui n’avoisinent pas les 170 centimètres font figure d’exception. Le Mondial de l’auto n’échappe d’ailleurs pas à la règle : Porte de Versailles, les jeunes de petite taille ou en surpoids ne courent pas les allées. Rien d’étonnant pour qui consulte les sites Internet des agences. Pour postuler en ligne, les candidates doivent ainsi systématiquement joindre à leur CV une ou plusieurs photographies, voire préciser leurs mensurations.
« On n’est pas des agences de mannequinat. Mais inutile d’être hypocrite, c’est quand même un métier d’image. On ne cherche pas des top models, mais il faut que les hôtes et les hôtesses aient du charme, de la présence, qu’ils soient esthétiquement agréables à regarder », convient Barbara Halary, directrice associée de l’agence Trinity. « Certains clients, notamment dans le luxe, ont des exigences fortes en matière d’apparence. Même s’ils ne l’écrivent pas car c’est interdit », complète une recruteuse de City One.
Des pratiques tues, que les candidates ont néanmoins parfaitement intégrées. « Au moment du recrutement, on passe des entretiens collectifs. Mais honnêtement, ils s’en fichent de ce qu’on raconte. Ce qui compte, c’est le physique », assure Léa*, qui a effectué des contrats pour Mahola, Marianne International et France Prestige. « Sur certaines manifestations, on travaille par deux. Et on nous classe par taille, par couleur de cheveux et de peau », complète Myriam*, tout juste diplômée d’un master 2 communication et RH.
L’ennui s’avère bien plus pénible que la suractivité
Au Mondial de l’auto, les journées sont éreintantes. Mais au moins les hôtesses ont-elles le sentiment de faire œuvre utile. Car dans ce job l’ennui s’avère bien plus pénible que la suractivité. « On se demande souvent à quoi on sert, on est un peu là pour la déco. C’est un sujet récurrent de discussions entre filles », explique Agnès*, une habituée des événements au Grand Palais de Lille.
« Parfois, on ne fait strictement rien. On reste plantée à l’entrée, à sourire et dire bonjour des dizaines de fois, perchée sur des talons trop hauts. Les gens nous regardent avec condescendance, c’est assez dégradant », abonde Myriam*. Pour éviter ce genre de désagrément, Anna* fait le tri dans les propositions. « Il faut choisir ses missions. S’il s’agit de faire le pot de fleurs, passez votre tour », conseille-t-elle.
Autre source de pénibilité, les dragueurs. A entendre les hôtesses, la vague #MeToo n’y a rien changé, les attitudes machistes et sexistes perdurent. Surtout lorsqu’il y a de l’alcool. « Dans les cocktails, il y en a toujours un qui te repère et te fait des remarques déplacées. Une fois, un mec un peu saoul m’a même agrippée par la taille pour me forcer à danser », confie Agnès*.
Autre témoignage, celui de Louise*, qui a officié pendant un an à l’entrée des loges VIP du stade Bollaert de Lens. « Les réflexions des kékés de 20 ans, on en a tout le temps. Mais le plus déstabilisant, ce sont les regards insistants des hommes mûrs, qui te matent comme de la viande », explique cette étudiante lilloise.
Des comportements bien connus des agences, qui mettent en garde leurs hôtesses. Et les invitent à faire appel à leur chef, leurs collègues ou les agents de sécurité en cas de problème. En essayant, si possible, de garder le sourire.
Stéphane Béchaux
*A la demande des intéressées, les prénoms ont été modifiés.