Election au Brésil : une campagne marquée par la diffusion de « fake news »
Election au Brésil : une campagne marquée par la diffusion de « fake news »
Par Claire Gatinois (Sao Paulo, correspondante)
Une cinquantaine de contre-vérités ont circulé durant les semaines précédant le scrutin pérsidentiel. Le Parti d’extrême droite a fait preuve d’un zèle particulier dans cet exercice.
Un homme brandit un drapeau du Brésil à l’annonce du résultat du premier tour de l’élection présidentielle, donnant Jair Bolsonaro vainqueur, le 7 octobre à Rio de Janeiro. / Ricardo Borges / AP
Jusqu’à la veille du premier tour de l’élection présidentielle au Brésil, dimanche 7 octobre, Elisabeth Rodigues, 47 ans, pensait voter pour Fernando Haddad, le candidat du Parti des travailleurs (PT, gauche). Mais l’employée domestique, résidente du quartier de Campo Limpo à Sao Paulo, a changé d’avis à la dernière minute. Une vidéo reçue par WhatsApp samedi lui expliquait « que si l’on votait pour le PT, on allait perdre son emploi et son titre d’électeur. C’était dit de façon menaçante, ça m’a fait peur », explique-t-elle.
La mère de famille a reçu le même jour une série de messages expliquant que Jair Bolsonaro, candidat d’extrême droite, en tête des sondages, connu pour son discours misogyne, raciste et homophobe, n’avait « rien contre les femmes ni les Noirs ». La quadragénaire a finalement décidé de voter pour Geraldo Alckmin, le candidat de la droite traditionnelle. Elisabeth Rodrigues fait partie des innombrables victimes de « fake news » diffusées au cours de la campagne électorale brésilienne à travers les réseaux sociaux.
Biberon en forme de pénis
Selon le quotidien Globo, doté d’une équipe qui se consacre à la vérification des données, quelque cinquante rumeurs mensongères ont circulé depuis le début de la campagne, plus du double des vingt-trois plaintes déposées au Tribunal supérieur électoral (TSE) jusqu’à vendredi. Ces « fake news » concernent tous les partis. Mais le camp des soutiens à Jair Bolsonaro semble avoir fait preuve d’un zèle particulier dans l’exercice de la propagation de contrevérités. La victime privilégiée : Fernando Haddad, héritier de l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva, ennemi juré du militaire de réserve.
Parmi les mensonges véhiculés figure l’idée récurrente au sein de l’extrême droite que l’ex-maire de Sao Paulo souhaiterait enseigner l’homosexualité aux enfants dès le primaire, grâce à un « kit gay ». Une rumeur liée au projet qu’avait eu Fernando Haddad, alors ministre de l’éducation, de distribuer dans les écoles des manuels visant à lutter contre l’homophobie. Une autre assure que le gouvernement PT considérerait qu’à 5 ans, les petits Brésiliens deviendraient propriété de l’Etat qui déciderait de leur genre. Ou encore que des biberons avec une tétine en forme de pénis seraient distribués dans les crèches.
Un Tweet, depuis supprimé, émanant du compte de Carlos Bolsonaro, fils de l’ex-capitaine d’infanterie, prétendait également que le TSE comptait transmettre les codes de sécurité des urnes électronique au Venezuela. Une invention en écho à la terreur des pro-Bolsonaro que le Brésil se transforme, sous le gouvernement d’une gauche taxée de « communisme », en un régime similaire à celui de Nicolas Maduro.
Exaspéré, Fernando Haddad a tapé du point sur la table, le 3 octobre, diffusant une vidéo afin de démentir la plupart de ces rumeurs et entamant des procédures judiciaires. Selon les équipes du candidat, ces « calomnies » expliqueraient la hausse soudaine du taux de rejet de l’héritier de Lula.