La Garde nationale, « une demoiselle encore jeune »
La Garde nationale, « une demoiselle encore jeune »
Par Nathalie Guibert
A l’occasion des Assises nationales du 13 octobre, rencontre avec la générale Anne Fougerat, secrétaire générale de la garde nationale qui veut valoriser les réservistes.
Avec 75 088 réservistes exactement, qu’ils se partagent en deux blocs de taille équivalente, les ministères des armées et de l’intérieur ont réalisé le volume des recrutements qui leur avaient été fixés pour 2018 pour ces forces supplétives. « Aujourd’hui nous tenons les objectifs », estime la générale Anne Fougerat. A 53 ans, venue de la gendarmerie mobile et première femme « deux étoiles » issue du corps des sous-officiers, la nouvelle secrétaire générale de la Garde nationale affronte la réalité telle qu’elle est. Elle en convient, cette garde, un label créé en 2016 par François Hollande pour coiffer les réserves opérationnelles existantes de l’armée et de l’intérieur, n’a pas gagné sa notoriété dans le paysage sécuritaire. La Garde nationale est « une demoiselle encore jeune », souligne-t-elle, et « la plupart des réservistes, attachés d’abord à la force qu’ils connaissent et servant près de chez eux, ignorent eux-mêmes qu’ils lui appartiennent ».
Cela dit, assure-t-elle, les « fondations sont solides ». Les chiffres publiés à l’occasion des Assises nationales qui se tiennent à Paris samedi 13 octobre le montrent. Les réservistes opérationnels ont permis d’absorber les besoins sécuritaires supplémentaires nés des attentats de 2015-2016. En moyenne quotidienne, ils sont 2 000 dans la gendarmerie. Et autour de 1 000 employés par le ministère des armées dans les missions de protection du territoire depuis 2017 (le double au mois d’août), soit 22 % de plus qu’en 2016. Ils effectuaient globalement de quinze à vingt-cinq jours de missions en 2015, le temps d’engagement est monté à trente-cinq jours. La tendance a été confirmée en 2018. Les réservistes sont en grande majorité des actifs ou des étudiants (68 %), et viennent de la société civile (76 % dans la gendarmerie, 59 % dans les armées, le reste étant d’anciens militaires). Un tiers ont moins de 30 ans.
« Aller chercher des jeunes »
« Le service des essences ou celui de la santé des armées, l’opération Sentinelle, les relèves des forces de sécurité sur les grands événements, le quotidien des unités de proximité… ne peuvent plus fonctionner sans les réservistes », déclare Anne Fougerat.
La générale commandait le groupement de gendarmerie de Seine-et-Marne en janvier 2015 au moment de l’assaut de l’imprimerie de Dammartin-en-Goële, où s’étaient retranchés les frères Kouachi après leur attentat terroriste contre Charlie Hebdo. « Le post-attentat, je l’ai vécu. Quand vous avez trois barrières de péage à tenir sur les autoroutes, une fois que vous avez tenu soixante-douze heures et procédé à deux relèves, la seule ressource possible ce sont les réservistes. A l’époque il n’y avait plus d’escadrons de gendarmerie mobile. Les personnels d’active ont vu ce que la réserve pouvait apporter quand on sature en termes d’emploi. » Un pas supplémentaire a été franchi quand, pour secourir les sinistrés de l’ouragan Irma à l’été 2017, la gendarmerie a pour la première fois piloté de façon centralisée l’envoi de deux compagnies de sa réserve territoriale (148 militaires choisis parmi 250 candidats), déployées pendant trois mois à Saint-Martin.
L’intérieur et la défense ont joué le jeu de la montée en puissance de la Garde nationale, et la générale, qui est mère d’une jeune gendarme, se dit « convaincue que la grande majorité de la jeunesse souhaite donner du sens à sa vie ». Maintenant, il faut que les budgets suivent et que l’engagement, du côté des entreprises comme des citoyens, ne retombe pas. « Sur l’attractivité il y a encore des choses à faire », estime cette femme directe. L’évaporation naturelle des effectifs réservistes se monte à 17 % chaque année. Anne Fougerat entend consolider les recrutements en « allant chercher des jeunes ». Elle souhaite conforter la réserve civile de la police – 5 500 personnes. Et voudrait communiquer davantage sur les missions de tous. « Quand on n’a pas de budget il faut avoir des idées », sourit-elle. De nombreuses mesures incitatives ont en effet été prises en 2017 (réduction d’impôt pour les entreprises, allocations d’études, participation financière au permis de conduire…), mais restent méconnues. Enfin, elle demande une amélioration de la protection sociale des réservistes blessés en service. Avant d’être une question de nombre – en 2017, ils ont été 20 sur 30 000 dans la gendarmerie – il s’agit d’une « affaire de principe ».